Driss Lachguar : L’avènement du parti, son histoire et son identité sont intimement liés à la lutte contre l’injustice et le despotisme

LE PREMIER SECRÉTAIRE DE L’USFP : IL EST REGRETTABLE QUE LE PROJET DE LOI N’AIT PAS PRÉVU LA CRÉATION D’UNE INSTANCE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

La salle 11 de la Chambre des représentants est archicomble ce jeudi 7 juin. Un parterre composé essentiellement de maîtres, toutes générations confondues, (entre bâtonniers et plus ou moins jeunes avocats), de parlementaires, de juristes, de cadres du ministère de la Justice et d’anciens ministres dont l’ex-premier secrétaire de l’USFP Abdelouahed Radi se sont rassemblés sur invitation du Groupe socialiste et du Barreau de Rabat pour débattre d’un sujet d’une brûlante actualité, à savoir la réforme du Code pénal et de la procédure pénale.
«Je salue cette bonne initiative prise par le Groupe socialiste d’organiser cette conférence en partenariat avec le Barreau de Rabat», a déclaré d’emblée le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, dans une allocution prononcée au début de cette rencontre modérée par le président du Groupe socialiste, Choukran Amam.
Selon Driss Lachguar, le législateur ne travaille pas dans un espace clos. Il est amené à s’ouvrir sur son environnement, sur toutes les composantes de la société et les corps de métiers, et notamment les avocats. Et pour cause : « Les avocats, a-t-il indiqué, sont porteurs des valeurs de justice et de liberté et en sont les fervents défenseurs. Et en tant qu’auxiliaires de la justice, les avocats de par leur mission sont tenus  de dévoiler les dysfonctionnements de la justice et de proposer des alternatives. On peut même avancer que la plupart des législations trouvent leurs origines dans les recommandations et les résultats des rencontres et des congrès organisés par les instances des avocats ».
Driss Lachguar a également salué le fait que les organisateurs de la rencontre aient lié entre le Code pénal et le Code de procédure pénale, même si le projet de loi n°10/16 qui est présenté à la Chambre des représentants concerne seulement le premier.
«Il est indéniable que ce projet n’a pas tranché quelques questions », a mis en exergue le dirigeant ittihadi citant à titre d’exemple celle concernant la définition de la notion de «deniers publics ».
«Il est incontestable que ce qui est stipulé dans le projet de loi concerne les crimes financiers qui sont naturellement des crimes commis par les personnes influentes dans le monde politique et économique », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Cela exige du courage et de nouvelles approches pour mettre fin à ce genre de crimes en se basant sur ce que la procédure permet et non pas sur la seule répression qui a pour objectif de récupérer l’argent détourné. Il faut aussi mettre en œuvre la procédure de saisie conformément à la convention sur la lutte contre la corruption ».
Le Premier secrétaire a loué le fait que le projet de loi ait incriminé l’enrichissement injustifié. Et de préciser : « Nous croyons que le fait de lui consacrer un seul article demeure insuffisant et que le projet de loi traite de cet enrichissement comme s’il s’agissait d’une simple infraction au Code de la route, alors que tout ce qui concerne les deniers publics relève des crimes ».
Driss Lachguar a par ailleurs déploré que le projet n’ait pas prévu la création d’une instance de lutte contre la corruption et que le législateur se soit montré un peu laxiste ou trop clément à propos des peines concernant les crimes de blanchiment d’argent.
L’autre point mis en exergue par Driss Lachguar concerne le fait que « la création du parti, son histoire et son identité sont intimement liées à la lutte contre l’injustice et le despotisme et partant, la justice a constitué une revendication fondamentale de la lutte de notre parti aux côtés de  toutes les forces démocratiques nationales et celles des droits de l’Homme depuis des décennies aussi bien  dans l’opposition ou lors de sa participation à la gestion de la chose publique ». Et de conclure : « La lutte pour l’édification d’une démocratie réelle n’était pas séparée de la lutte pour l’instauration d’une justice indépendante, intègre et efficace étant donné que la réforme de la justice a un impact certain sur le développement de notre pays ».
«Nous nous réjouissons au sein du Barreau de Rabat de prendre part à cette rencontre inédite organisée à l’initiative du Groupe socialiste à la Chambre des représentants», a affirmé le bâtonnier de Rabat, Mohamed Barigou dans son intervention en l’occasion.
Selon lui, ce genre de rencontres permet le débat et l’échange des points de vue entre les professionnels, les juristes et les académiciens en vue de peaufiner des projets ou des propositions de loi, particulièrement celles encadrant le domaine des droits et des libertés, a-t-il précisé en exprimant le souhait de voir d’autres rencontres organisées à ce sujet.
Pour sa part, Mustapha Ramid, ancien ministre de la Justice et des Libertés et actuel ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, a rappelé les objectifs de la Charte de la réforme de la justice adoptée à l’issue du dialogue national concernant cette problématique. Ces objectifs consistent à consolider l’indépendance du pouvoir judiciaire, moraliser le système de la justice, renforcer la protection des droits de l’Homme et des libertés, améliorer l’efficacité et l’efficience de l’appareil judiciaire, étendre les capacités institutionnelles du système judiciaire et moderniser l’administration judiciaire.
Pour sa part, Mohamed Sebbar, secrétaire général du CNDH, a décliné la vision de cette institution concernant le projet de loi n°10/16.
Parmi les priorités du CNDH figurent notamment l’abolition de la peine de mort, la révision de la définition de la torture stipulée par l’article 231, alinéa 1 du Code pénal et son harmonisation avec la définition fixée par l’article 1 de la Convention de lutte contre la torture, l’ajout d’une nouvelle disposition dans ce projet de loi qui empêcherait de se cacher derrière des circonstances exceptionnelles ou des directives d’une autorité civile ou militaire pour justifier un crime de torture.
Quant à Hicham Mellati, directeur des Affaires pénales et de la Grâce au ministère de la Justice, il a présenté un exposé sur la politique pénale et évoqué les nouveautés introduites dans le Code pénal et le Code de procédure pénale.
Il a exposé les grandes orientations de ces deux textes juridiques. Entre autres  leur harmonisation avec les conventions internationales en matière des droits de l’Homme, avec les dispositions de la Constitution et avec les recommandations du dialogue national sur la réforme de la justice et celles de l’IER.
La crise de la politique pénale a été mise en relief par le bâtonnier Abderrahim El Jamai. Selon lui, cette crise consiste en l’inflation des dossiers et des recours à la détention, la surpopulation carcérale ainsi que la faible qualité des décisions judiciaires et la perte de temps.
Il a, en outre, dénoncé le fait que le projet de loi en question ait gardé certaines peines dont la peine capitale. «En tant qu’avocats, nous voulons édifier un Etat de droit, a-t-il souligné. Nous ne voulons pas édifier un Etat de la Justice, du ministère public et des prisons».
Pour sa part, Abdelkébir Tabih, avocat au Barreau de Casablanca, a évoqué plusieurs problématiques concernant ledit projet de loi comme celle relative à la mise en place de la politique pénale et son contrôle.
Il affirmé que le projet actuel est plus avancé que le précédent qui a été présenté par le gouvernement Benkirane, mais il a conservé plusieurs dispositions qui nécessitent, selon lui, une révision.
Mais le plus inquiétant dans ce texte tient au fait que l’instruction en cas de crimes devient facultative.
L’avocat au Barreau de Rabat, Taieb Lazrak, a, pour sa part, traité des alternatives aux peines privatives de liberté dans le projet de loi du Code pénal.
Il a critiqué notamment le fait que le texte en question parle de peines alternatives, alors qu’il aurait été judicieux d’utiliser un terme autre que peine, donnant, à titre d’exemple, celui de dispositions.
Il a précisé que les alternatives aux peines privatives de liberté ne s’appliquent pas en cas de récidive et dans le cas de certains délits tels que le détournement, l’enrichissement injustifié, la corruption, le trafic de drogue, le trafic d’organes humains et l’exploitation sexuelle des mineurs.

Mourad Tabet

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