Abdelhamid Fatihi : Les acquis sociaux des employés et des salariés marocains sont bafoués depuis plus de 7 ans

La Fédération
démocratique du
travail (FDT) organise ce dimanche deux marches régionales. Dans cet
entretien avec Libé, le
secrétaire général de
cette centrale syndicale,
Abdelhamid Fatihi,
explique les raisons
de ce mouvement de
protestation, tout en
critiquant le fait que le gouvernement a passé sous silence le dialogue social dans la présentation du projet de loi de Finances
devant le Parlement.

Libé : La FDT a décidé d’organiser ce dimanche (28 octobre 2018) deux marches de protestation. La première dans la région de Fès-Meknès et la deuxième au niveau de Marrakech-Safi. Quelles sont les raisons de ce nouveau mouvement de protestation?
Abdelhamid Fatihi : Nous protestons pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous constatons que les acquis sociaux des employés et des salariés marocains sont bafoués depuis plus de 7 ans. En effet, depuis 2011, le gouvernement et le patronat n’ont pris aucune mesure concrète en faveur de la classe ouvrière, les salaires sont gelés alors que le dialogue social est paralysé. Pis encore, des mesures prises ont porté atteinte aux intérêts des salariés et des employés. En plus, durant la même période, le pouvoir d’achat de larges catégories sociales a fortement reculé à cause des augmentations successives des prix des produits de consommation et du carburant qui ont atteint des seuils intolérables.
L’autre raison réside dans le comportement du gouvernement envers le mouvement syndical en bafouant tous les acquis du dialogue social qui ont été accumulés depuis des années. Avant 2012, ce dialogue se déroulait en deux sessions (avril et septembre) et on parvenait souvent à des accords, du fait que le dialogue était institutionnalisé. Mais sous le gouvernement précédent, tous ces acquis ont été piétinés et le mouvement syndical a été ridiculisé. Malheureusement, le gouvernement actuel poursuit sur la même voie.

Pourtant, le discours de S.M le Roi, Mohammed VI, à l’occasion de la Fête du Trône, a mis en garde contre le gel du dialogue social et a exhorté le gouvernement à le relancer en vue de parvenir à des solutions et des accords ?
Le discours de S.M le Roi était fort clair. Il a donné ses hautes instructions pour œuvrer avec célérité à l’aboutissement du dialogue social. Le Souverain a appelé également à l’instaurer et à le maintenir dans la durée. Malheureusement, le gouvernement n’a pas répondu favorablement à cet appel.

Pourquoi avez-vous choisi d’organiser des marches régionales au lieu d’une marche nationale?
Nous avons tracé un programme de lutte et de protestation. Nous n’allons pas nous contenter d’organiser seulement ces deux marches, mais d’autres sont prévues dans les autres régions. Au bout de deux mois, nous organiserons un mouvement national de protestation. L’on ne peut pas annoncer la forme de ce mouvement (marche, sit-in ou grève). En adoptant cette démarche, notre intention au sein de la FDT est de créer une dynamique militante au sein de la société. Car celle-ci a besoin aujourd’hui des voix sages qui pourraient encadrer les mouvements sociaux et exprimer des revendications légitimes, objectives et raisonnables. Notre mouvement de protestation est, donc, une façon d’exprimer notre ras-le-bol, de tirer la sonnette d’alarme et de mettre en garde le gouvernement contre la gravité de la situation sociale.

Au début de cette semaine, le gouvernement a présenté le projet de loi de Finances devant les deux Chambres du Parlement. Est-ce que, selon vous, les propositions avancées par l’Exécutif dans ce projet répondent pleinement aux revendications des salariés et des fonctionnaires?
Les propositions du gouvernement ne diffèrent de celles du mois d’avril dernier que par une augmentation des salaires de 100 DH pour certaines catégories des fonctionnaires. Nous avons suivi avec la présentation du ministre de l’Economie et des Finances les grandes lignes du projet de loi de Finances 2019 devant le Parlement. Malheureusement, le ministre a passé sous silence le dialogue social. De toute façon, les offres proposées jusqu’à ce jour par le gouvernement sont dérisoires, et ce après 8 ans de gel du dialogue social au cours desquels aucune mesure en faveur des employés et des fonctionnaires n’a été prise. Le gouvernement a proposé une augmentation des salaires de 400 DH sur 3 ans et une autre des allocations familiales de 100 DH sur deux ans. Ces allocations passeront donc de 200 à 300 DH pour les trois premiers enfants et à 136 DH pour les trois suivants. Le gouvernement fait bon marché du mouvement syndical, faisant fi notamment des revendications des salariés du secteur privé qui souffrent davantage. Nous savons que certains employeurs ne respectent pas le SMIG et ne déclarent pas leurs employés à la CNSS. En plus, les femmes travailleuses souffrent de discrimination en matière des salaires et du harcèlement sexuel.

Une récente déclaration du ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle, Mohammed Yatim, laisse entendre que la question d’augmentation des salaires dans le secteur privé ne concerne pas seulement le gouvernement, mais également les centrales syndicales et le patronat. Qu’en pensez-vous ?
Le gouvernement doit assumer ses responsabilités. Au niveau des accords conclus dans le cadre du dialogue social depuis l’accord du premier août 1996, le gouvernement avait joué un rôle important. De même que le gouvernement de l’Alternance dirigé par Abderrahmane El Youssoufi, ou celui présidé par Driss Jettou ou Abass El Fassi. Les arguments avancés par le gouvernement sont fallacieux et nous les rejetons en bloc. L’Exécutif doit veiller à ce que le dialogue social soit tripartite : gouvernement, centrales syndicales et patronat. Les trois parties doivent veiller à mettre en œuvre les résultats de toute négociation. La récente déclaration du ministre est une véritable fuite en avant. Est-ce que le gouvernement n’a pas le pouvoir de faire pression sur le patronat pour l’amener à la table des négociations en vue de parvenir à un accord ? C’est possible, d’autant plus que S.M le Roi Mohammed VI avait souligné dans le discours du Trône que le dialogue social doit aboutir à l’élaboration d’un pacte social équilibré et durable.

 

Propos recueillis par Mourad Tabet

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