Ouvrant les travaux du colloque international sur “Le rôle des Conseils économiques et sociaux, des institutions similaires et des Parlements africains face aux nouveaux défis de la migration”

Les travaux du séminaire international sur « Le rôle des Parlements et des Conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique face aux nouveaux défis de la migration », devaient prendre fin hier matin.
Placée sous le Haut patronage de S.M le Roi Mohammed VI et organisée par la Chambre des représentants, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et l’Union des conseils économiques et sociaux d’Afrique (UCESA), cette rencontre a constitué une contribution au débat international actuel sur la migration et une plateforme de discussion pour les institutions de démocratie représentative et participative, dans la perspective de la tenue à Marrakech, en décembre prochain, du Forum global pour la migration et le développement, sous l’égide des Nations unies et de la Conférence intergouvernementale chargée d’adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Voici, par ailleurs, le texte intégral de l’allocution présentée à l’ouverture des travaux de ce séminaire  par le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki.

« Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue en terre marocaine et vous remercier  d’avoir accepté notre invitation à prendre part à cette importante rencontre, organisée sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste. Qu’il me soit donc permis de faire part  à Sa Majesté de toute notre considération et notre reconnaissance pour sa Haute sollicitude qui n’a d’égal que le grand intérêt qu’il accorde à la question de la migration et aux droits des migrants, notamment en Afrique.
Mes remerciements vont également  au Conseil économique, social et environnemental, à son président et ami Nizar Baraka, à tous ses membres et son secrétaire général pour leur précieuse collaboration, ainsi qu’à l’Union des conseils économiques et sociaux en Afrique et les institutions similaires.
Aussi, je voudrais réitérer, à cette occasion, l’importance croissante de notre forum qui réunit des représentants d’instances législatives et des autorités consultatives, qui joue un rôle important dans l’établissement d’un consensus constructif et positif.
Je n’exagère pas en disant que je ressens une immense joie en ce moment où je rencontre des frères et des sœurs, des ami(e)s et des collègues représentant des parlements et des Conseils économiques sociaux de pays frères et amis et des représentants d’organisations internationales autour d’une question qui est aujourd’hui au premier rang  des préoccupations de la communauté internationale et qui préoccupe les décideurs, les autorités législatives et exécutives et l’opinion publique à travers la planète.
Lorsque nous nous rencontrons dans le cadre d’une conférence-débat internationale pour échanger nos points de vue sur le rôle des Conseils économiques et sociaux, des institutions similaires et des Parlements, pour proposer des solutions et relever les défis posés par ce phénomène, nous sommes mus par la conviction que la mondialisation de ce phénomène et l’acuité des défis et des dilemmes qu’il pose, nécessitent une réflexion collective, sereine et objective. Ceci dans la perspective de contribuer à l’élaboration de solutions pertinentes et applicables sur le terrain ; des solutions qui puissent aider à juguler ce phénomène et ses ramifications, notamment à travers des propositions visant la promotion d’une nouvelle culture, qui doit servir de base à des politiques propices à une migration organisée.
Je puis vous assurer que cet objectif sous-tend la politique du Maroc en matière de migration et d’asile. Le choix du Royaume pour accueillir le Forum mondial sur la migration qui adoptera le Pacte mondial pour une migration sûre et organisée prévu en décembre prochain, n’est pas fortuit.
Après avoir été un pays de transit pour les migrants, le Maroc est devenu une terre d’accueil et d’établissement pour beaucoup d’entre eux. Cela a été facilité, en particulier, par la nouvelle politique migratoire adoptée par le Maroc il y a cinq ans, une politique courageuse et volontariste qui, outre la dimension humaine et de droits de l’Homme,  est animée par la fraternité et le devoir de solidarité, ainsi que par la conviction que la migration constitue un  phénomène enrichissant et fécond. Si notre pays a adopté une telle politique, malgré ses ressources et capacités limitées, il l’a fait dans la lignée d’une longue tradition marocaine d’accueil, d’intégration et de coexistence.
Les années 2017 et 2018 peuvent être considérées comme les deux années marocaines de la migration par excellence. Elles se sont distinguées par le choix de  Sa Majesté le Roi Mohammed VI par l’Union africaine, comme leader dans le domaine des migrations en Afrique, preuve de la pertinence de la politique du Maroc et de la vision Royale en matière de migration, d’asile et d’intégration, que Sa Majesté s’engage à mettre en œuvre. Ainsi, la communauté internationale adoptera  à Marrakech la plus importante charte  en matière de migration.

Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,

Point essentiel du débat politique, tant dans les pays d’origine que d’accueil, la migration fait désormais partie intégrante des programmes électoraux entre autres, aussi bien au niveau des  partis politiques que des gouvernements de certains pays où la migration et les migrants sont érigés en lanterne de crises et de controverses.
Il est regrettable que la migration devienne le point de croisement des  multiples problèmes et défis auxquels les pays d’accueil doivent faire face, après avoir été longtemps considérée comme une dynamique d’interaction, de fécondation et d’enrichissement humain et culturel.
A tort, les migrations sont reliées au défi sécuritaire et au terrorisme, à la montée du chômage et à la hausse des dépenses publiques consacrées aux services sociaux. Le plus dangereux de tout cela est l’instrumentalisation de la migration, légale comme illégale, pour attirer les voix des électeurs, les migrants sont devenus un épouvantail civilisationnel et identitaire agité politiquement et électoralement pour gagner des voix par le biais d’un discours introverti qui favorise l’isolement et l’intolérance, glorifie la haine des étrangers et conduit à l’adoption de législations limitant la mobilité humaine. Surtout dans le contexte de l’exacerbation de la menace terroriste et extrémiste.
Nous sommes en train de redessiner la culture de l’émancipation et de la coexistence, voire comploter contre elle, celle-là même qui a constitué le socle des démocraties contemporaines avec toute sa charge institutionnelle et morale et tous ses acquis humains et juridiques. La propagation de la rhétorique raciste et xénophobe et de rejet de l’autre dans un certain nombre de pays considérés comme d’anciennes démocraties, et qui sont économiquement forts, contraste avec le contexte international et les piliers fondamentaux des relations internationales fondées sur l’ouverture. Si la fermeture des frontières aux migrants est une composante essentielle des programmes politiques de certaines forces politiques, les marchés des pays d’origine de ces migrants et les ressources dont ils regorgent, constituent un objectif politique commun aux gouvernements, aux forces politiques concurrentes et aux groupes de pression. Voilà un étrange paradoxe entre l’appel à la libéralisation absolue des échanges économiques d’une part et la fermeture des frontières face aux mouvements humains de l’autre.
Par ailleurs, nous sommes fermement convaincus que la cessation des flux migratoires ne se fera pas par la construction des murs et la fermeture des frontières, mais par le dialogue et la coopération, et en apportant des réponses à leurs racines et à leurs causes.
Les migrants qui s’aventurent dans la brousse et en mer sont motivés par des besoins urgents : le besoin de travail garantissant la dignité ; le besoin de sécurité perdue à cause des conflits internes ou transfrontaliers, ou à cause de l’effondrement de l’Etat et la généralisation du règne du chaos ; et le besoin de sécurité alimentaire après le passage de la sécheresse ou des inondations sur leurs terres qui étaient leurs sources de subsistance.
Face à ces défis, les Parlements, les organisations parlementaires multilatérales et les Conseils économiques et sociaux ont la responsabilité majeure de plaider en faveur de la paix, de la stabilité, de la sécurité et du règlement pacifique des différends, ainsi que de la justice climatique pour tous, en particulier pour l’Afrique, qui paie le prix des déséquilibres climatiques dont ses pays et ses peuples ne sont pas responsables, compte tenu notamment de la nécessité pour la communauté internationale d’honorer ses engagements pris lors des deux Sommets sur le climat tenus respectivement à Paris en 2015 et à Marrakech en 2016.
Parallèlement, il est nécessaire de corriger les représentations erronées sur la migration et d’élargir le cercle des défenseurs des positivités, des avantages  et des valeurs ajoutées de la migration, qu’il s’agisse  d’Etats, d’organisations politiques et sociales, de mouvements civils et des faiseurs d’opinion.  Les migrants, contrairement à l’image stéréotypée qui leur a été confectionnée, après qu’ils aient contribué par le passé à la construction des économies des pays d’accueil, contribuent aujourd’hui  à leur prospérité et à leur bien-être, y compris par leurs compétences scientifiques et technologiques, en tant que cerveaux et inventeurs. Ils constituent une main-d’œuvre dans les usines en ville et dans les propriétés agricoles dans les champs. Dans de nombreux cas, ils sont les bras pour des travaux et des métiers que les citoyens des pays d’accueil  ne réalisent pas. Ils sont les signes de réussites artistiques, scientifiques, sportives, culturelles et productives. Les actions qui ne sont pas menées par les citoyens des pays d’accueil sont des marques de succès académique, scientifique, artistique, sportif, culturel et productif.
Il s’agit de forces de travail, de potentialités intellectuelles et scientifiques, Il faut donc arrêter l’amalgame entre la migration d’une part, et le terrorisme, la violence et l’extrémisme de l’autre. C’est un défi central que nous devons œuvrer à relever.

Mesdames et Messieurs,
Nous appartenons à un continent où les enjeux de la migration revêtent une importance particulière, et ce alors même que l’Afrique ne représente qu’une faible proportion comme source de migration vers d’autres continents. Comme Sa Majesté le Roi Mohammed VI l’a souligné dans sa lettre au 5ème Sommet de l’Union africaine-Union européenne tenu le 29 novembre 2017 à Abidjan, « la migration africaine n’est souvent pas intercontinentale, elle se fait principalement dans les pays africains eux-mêmes, puisque de chaque cinq migrants africains quatre d’entre eux restent en Afrique, et la migration clandestine ne représente pas la proportion la plus importante. Elle représente 20% seulement du volume global de la migration internationale. La migration ne provoque pas la pauvreté au sein des pays d’accueil puisque 85% des revenus de la migration sont dépensés dans ces pays ».
Cependant, l’Afrique a besoin de valoriser ses ressources humaines, de donner toutes les raisons du succès à l’émergence africaine, d’optimiser l’exploitation de ses richesses, de faciliter la mobilité humaine utile de ses pays, de maintenir son potentiel scientifique et son efficacité, et de bien réfléchir au coût des pertes causées par la fuite des cerveaux africains. À cet égard, il est également de la responsabilité commune des membres de la communauté internationale de transférer des technologies et d’opérer des investissements et des capitaux conformément à la logique du gagnant-gagnant, que Sa Majesté le Roi ne cesse  de rappeler.  Une fois que l’Afrique a surmonté un certain nombre de dilemmes auxquels elle a été confrontée au cours des décennies précédentes et dans le contexte de la transition démocratique, il convient aujourd’hui de garantir les conditions du développement générateur d’emploi, garantissant la dignité. C’est un défi majeur que nous, d’abord, en tant qu’Africains, devons  relever, mais avec un soutien agissant de la part de la communauté internationale.
Fort heureusement, il existe au sein de la communauté internationale des membres qui apprécient les conditions des migrants et qui  ont une approche humaniste objective et historique des migrations et des politiques intégrées. Plusieurs pays de l’Union européenne, malgré leur nombre réduit, ont fait preuve ces dernières années de sagesse et de raison rarement constatées dans le contexte international actuel, et ce lors des crises migratoires occasionnées par des mouvements de populations en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, plus particulièrement de Syrie. L’Allemagne, qui co-préside avec le Maroc le Forum mondial sur la migration et le développement, s’est distinguée par l’adoption de politiques inclusives et la mise en œuvre d’approches humanitaires qui lui ont valu, avec d’autres grandes puissances européennes, la reconnaissance et l’estime au niveau international.

Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,

Dans ses analyses, une approche dite objective et réaliste du phénomène migratoire, doit sérieusement considérer et intégrer, plusieurs facteurs, parmi lesquels l’existence d’une demande de main-d’œuvre dans les pays d’accueil, qui est souvent satisfaite de manière irrégulière et même illégale, exposant les migrants vulnérables à l’exploitation et au déni de leurs droits sociaux fondamentaux. Il en va de même du chevauchement entre la migration illégale et d’autres formes de criminalité déstructurée telles que le terrorisme, la traite des êtres humains et la drogue, qui portent gravement préjudice aux droits des migrants.
Face à tout cela, la fermeture des frontières ne sera certainement pas la solution, mais ce sont plutôt la réglementation des migrations, l’installation des migrants et la garantie de leurs droits fondamentaux qui devraient être envisagées.
La communauté internationale doit travailler d’arrache-pied pour s’attaquer aux racines et aux causes de la migration. A cet égard, les engagements pris à la COP 21 à Paris et à la COP 22 à Marrakech devraient être respectés. D’autre part, la communauté internationale devrait formuler et mettre en œuvre un plan d’urgence pour le développement de l’Afrique, qui nécessite des dynamiques économiques et sociales intégrant les jeunes Africains en quête d’une vie meilleure. En même temps, il convient de remédier à la situation dans certains pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, où l’effondrement de l’Etat, le sectarisme, les guerres civiles et le chaos poussent des centaines de milliers de personnes à la migration et à l’asile.
De plus, un minimum de coordination et de solidarité entre les pays qui constituent les zones de migration, en particulier ceux de la rive Sud et l’Est de la Méditerranée, devrait être atteint afin de mettre en œuvre des politiques et des approches sociales et humanitaires pour faire face au phénomène et pour lutter contre la traite d’êtres humains par des gangs et autres formes de criminalité organisée.
Il convient, au niveau de notre continent, d’accélérer le rythme de développement, d’atténuer les disparités sociales et régionales, de lutter contre la marginalisation et l’exclusion, de consolider l’Etat des institutions et de la démocratie et de faciliter le règlement des différends. La construction démocratique est l’une des conditions fondamentales de l’intégration et de la cohésion sociale et donc de la réduction du phénomène migratoire. Nous devons avoir présent à l’esprit cette relation dialectique entre cette construction et ce phénomène.

Mesdames et Messieurs,
Nous considérons que cette conférence-débat est l’un des lieux de réflexion préparatoires au Forum mondial sur la migration, organisé par les Nations unies et que Marrakech accueillera  dans environ un mois. Ce Forum sera précédé d’une réunion parlementaire internationale organisée à Rabat par le parlement marocain conjointement avec l’Union parlementaire internationale  sur le même sujet. Le meilleur que nous puissions espérer est que le Sommet de Marrakech symbolise une rupture dans le traitement  de la migration  et ses problématiques, et débouche sur une approche ouverte, libérée et solidaire. Comme ce fut le cas à Marrakech en 1994, qui a vu naître l’Organisation mondiale du commerce  et la fondation de la liberté du commerce international et de la liberté des échanges, comme nous le vivons aujourd’hui et dont en profitent de nombreux peuples du monde. L’espoir est qu’en décembre 2018, à Marrakech, une Charte mondiale sur la migration sera adoptée, intégrant les dimensions humaines de solidarité, de respect des droits et des dimensions sociales  et économiques, et en fondant une nouvelle culture dans leur traitement.
Tout en vous réitérant la bienvenue, je vous remercie pour votre aimable attention ».

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