Réélu à la tête de la Chambre des représentants, le socialiste Habib El Malki fait le bilan de son premier mandat et annonce ses priorités pour celui qui s’ouvre. Favorable à la retraite des parlementaires, il détaille leur rôle dans la diplomatie du Maroc et annonce l’arrivée en 2021 d’une chaîne de télévision parlementaire.

Habib El Malki, membre de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), a été réélu vendredi 12 avril à la présidence de la Chambre des représentants. Poids du Parlement, encadrement des élus, retraite des parlementaires… Habib El Malki détaille les missions de ce mandat.

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Jeune Afrique : Lors de votre première élection, certains se sont demandés s’il était bien logique que le « perchoir » revienne à l’USFP, qui ne dispose que de 19 sièges à la chambre basse. Que répondez-vous ?

Habib El Malki : La démocratie ne relève pas de l’arithmétique pure. L’USFP fait partie de la majorité. Une majorité s’organise et se répartit des missions. C’est aussi à ce titre que je me suis présenté. Pour cette seconde élection, aucun autre parti n’a présenté de candidat, et l’ensemble de la majorité – en plus d’un groupe de l’opposition – a voté en ma faveur.

Certains députés se plaignent de manquer de moyens pour s’attacher les services, même ponctuels, d’équipes et de techniciens pour les épauler, et se sentent parfois désarmés face à l’exécutif. Comment répondre à leurs attentes ?

On est en plein dans la feuille de route de ce nouveau mandat. La Constitution de 2011 a créé une nouvelle situation : les élus sont plus nombreux et le périmètre de leur action a été agrandi. Nous devons donc procéder à une mise à niveau de l’administration, afin de la rendre plus transparente et plus efficace. Nous aurons terminé en 2021.

Concernant l’encadrement des élus, nous savons qu’il est faible, même au regard de ce qui se pratique ailleurs dans le monde. Pour apporter un début de solution, nous nommerons dans les semaines à venir le directeur d’un centre d’études et de recherches au sein du Parlement. Cette structure de proximité permettra aux élus de mieux se saisir des dossiers, d’accueillir des chercheurs, des experts…

Est-il vrai qu’une chaîne de télévision parlementaire doit voir le jour ?

Oui, avant 2021. Il y a un déficit d’information sur l’activité parlementaire, qui conduit à tout un tas d’incompréhensions malheureuses, et je crois que cela pèse sur notre vie publique. Il faut y remédier.

Tout cela aura un coût…

Un coût sans doute important, qui est encore en train d’être évalué précisément, mais le gouvernement a donné son feu vert.

Ce chantier dont vous parlez peut-il réellement renforcer le poids du Parlement dans l’architecture institutionnelle marocaine ?

Oui, surtout qu’il y a un chantier qui s’ouvre, celui de la rationalisation de la production législative à travers un meilleur équilibre entre les propositions de loi et les projets de l’exécutif. Il s’agit d’une question de pratique, mais je sais que c’est une revendication importante chez nos députés.

Récemment, des élus ont posé la question de savoir s’il ne fallait pas supprimer la retraite à laquelle ils ont droit. Pour eux, elle tend à transformer le mandat de représentant en métier à part entière. Qu’en pensez-vous ?

Les élus sont au service du peuple le temps de leur mandat, et je crois que c’est une mission qui mérite une certaine forme de reconnaissance car elle en demande beaucoup. Ainsi, ils sont nombreux à abandonner un certain temps leur cabinet pour se consacrer à la chose publique. C’est pourquoi dans la plupart des démocraties parlementaires, les députés ont droit à une retraite.

Selon certains, le virage sociologique qu’a connu la Chambre, qui accueille toujours plus de cadres, d’indépendants qui exercent des professions libérales ou de petits patrons, pourrait augurer de changements dans l’orientation des débats. Comment analysez-vous cette évolution ?

La sociologie parlementaire reflète les transformations de la société. Le taux de renouvellement de la Chambre a été de 64 % après les dernières élections. En effet, les professions libérales représentent aujourd’hui pas loin d’un quart de la composition de la Chambre. Mais il y a aussi encore beaucoup d’enseignants, aux alentours de 15 %.

En avril, une session extraordinaire s’est ouverte pour traiter le projet de loi-cadre sur l’enseignement, mais il n’a toujours pas été adopté. Est-ce un sujet particulièrement épineux ?

C’est en effet un projet de loi-cadre qui revêt une dimension « sociétale », comme on le dit souvent. C’est-à-dire qu’on parle là d’une loi qui peut avoir un impact visible sur le modèle de société, et le débat est sous-tendu par des questions idéologiques. Le projet n’est pas à caractère technique. Il y a donc un intérêt important accordé au débat autour du projet par l’ensemble des députés.

On remarque une maturité croissante dans la tenue des débats et la quête de consensus au Parlement. Je pense que le débat prendra donc le temps qu’il faut pour aboutir à une position consensuelle. Depuis 2017, pas loin de 80 % des textes de loi ont été adoptés à l’unanimité.

Êtes-vous satisfait de l’évolution de la vie parlementaire en matière de discipline et de présence des élus ?

Il a fallu sévir, mais nous n’avons fait qu’appliquer le nouveau règlement. Et en effet, nous observons que les décisions adoptées depuis deux ans – publication de listes d’absents à certaines séances, par exemple – ont fait leurs preuves et ont donné des résultats. Aujourd’hui, le plus remarquable est que les progrès touchent toutes les composantes du Parlement. Je pense qu’on peut dire que le « mal comportement » ne touche plus qu’une minorité.

On entend souvent parler de « diplomatie parlementaire », et vous-même vous déplacez souvent. Quelle est la place de cette diplomatie, et joue-t-elle un rôle concret ?

Oui, elle est même assez directe, et a souvent un discours clair. La diplomatie parlementaire, au Maroc, permet notamment de maintenir le contact avec les Marocains de l’étranger, notamment en Europe – elle lutte contre le racisme par exemple – et dans le soutien au peuple palestinien. Pour nous rapprocher des pays africains, elle présente aussi l’intérêt de pouvoir toucher les parlements régionaux, de rencontrer une multitude d’acteurs, d’être très présent « sur le terrain ». Et la légitimité naturelle d’un élu permet à cette diplomatie de jouer à fond son rôle pour la cause nationale, celle du Sahara.

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