Quel rôle les avocats peuvent-ils jouer de nos jours ? Comment peuvent-ils s’organiser et se mobiliser pour défendre leur profession et leurs acquis ? Comment peuvent-ils se mettre à l’écoute des citoyens et participer au débat national ? Comment les avocats ittihadis parviendront-ils à reprendre le flambeau de la lutte pour la préservation des droits et libertés ? C’est à ces questions, entre autres, que les avocats usfpéistes ont tenté d’apporter des réponses ou des prémices de réponses lors des travaux de leur 5ème Congrès tenu les 12 et 13 avril à M’diq. En effet, les enjeux et les défis auxquels cette profession doit faire face, sont énormes: indépendance des avocats, projet de loi encadrant le métier, imposition du secteur et la liste est longue.
Intervenant lors de la séance d’ouverture, Driss Lachguar, Premier secrétaire de l’USFP, a souligné le rôle primordial joué par les avocats. Pour lui, sans avocats, il n’est nullement possible de mettre en pratique le droit d’ester en justice en tant que droit constitutionnel garanti par l’ensemble des conventions et traités internationaux. « Les avocats sont un levier important dans le fonctionnement de la justice et sans eux, la justice sera incapable de protéger et de préserver les droits et les libertés », a-t-il souligné.
Il a également précisé que malgré les acquis et les réalisations accomplis au niveau national, le pays fait encore face à de véritables défis en matière d’indépendance des avocats et n’arrive toujours pas à consolider les garanties à même de permettre à ces derniers de mener à bien leur mission. «Sans indépendance des avocats et de la justice, il n’y aura point de système juridique productif et équilibré. Et c’est pourquoi, nous disons, en toute clarté, qu’il est temps de passer d’une approche conventionnelle et injuste qui conçoit la profession comme un élément secondaire qui aide les juges à faire leur travail à une approche juridique et rationnelle qui fait de l’avocat un partenaire du pouvoir judicaire dans sa mission de consolider et de renforcer la justice », a-t-il expliqué. Et de poursuivre : «Le renforcement du rôle des avocats ne doit pas être l’affaire d’une catégorie socioprofessionnelle spécifique mais l’affaire de toute la société vu ses liens avec la démocratie et la consolidation de l’Etat de droit».
Dans ce cadre, il a appelé à mener la réflexion sur les garanties assurées par l’actuelle loi aux avocats pour exercer leur profession comme c’est le cas pour les juges et se demander si les dispositions de cette loi sont compatibles avec la Constitution qui a élevé la justice au rang d’un pouvoir indépendant.
Pour le Premier secrétaire de l’USFP, la promotion du secteur des avocats passe par la révision de la loi encadrant la profession, par la formation, par la mise des nouvelles technologies au service de la justice, par la facilitation de l’accès des jeunes à cette profession et par la révision des adhésions et leur unification. «Notre mission doit dépasser les seules préoccupations professionnelles ; nous devons rétablir le lien avec la société et participer au débat public », a-t-il déclaré. A ce propos, il a qualifié de «sévères» les peines prononcées en appel contre les détenus du Hirak et appelé les défenseurs des droits de l’Homme à se mobiliser en faveur de leur libération après que les verdicts sont devenus définitifs.
Le Premier secrétaire a déclaré que l’USFP fera recours aux moyens idoines pour faire libérer ces détenus, et il ne sera nullement question de surenchères.
De son côté, Kamal El Mehdi, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tétouan, a indiqué que ce 5ème Congrès intervient dans un contexte particulier, à savoir celui de l’après promulgation de la Loi suprême de 2011 qui a répondu à l’une des revendications historiques de l’USFP, en l’occurrence l’indépendance du pouvoir judiciaire. «Nous avons lutté en tant qu’avocats pour l’aboutissement de cette revendication, mais aujourd’hui nombreuses sont les questions qui interpellent notre rôle dans le nouveau système judiciaire notamment après qu’il a été érigé en pouvoir indépendant », a-t-il souligné. Et d’ajouter : «Nous sommes appelés à reprendre notre rôle de leader au niveau de la profession et au niveau de la société en adoptant les causes portées par les masses».
Pour sa part, Omar Ouadar, président de l’Association des barreaux des avocats du Maroc, a estimé que l’avocat ittihadi doit regagner sa place professionnelle d’antan, à savoir celle de défenseur des droits contre les atteintes et les violations des droits de l’Homme. « Malheureusement, cette place a fortement régressé. Les préoccupations professionnelles et les soucis quotidiens ont eu la primauté au détriment du combat pour les droits et libertés. Aujourd’hui, les avocats ne représentent plus une force politique et sociétale. Leur nombre au sein du Parlement ne dépasse pas les 18 personnes », a-t-il noté. Et de préciser : «Alors qu’on a besoin de cette force vu que l’année prochaine s’annonce cruciale pour notre profession. En fait, le Parlement doit examiner les projets de loi concernant les codes de procédure pénale et civile ainsi que le projet de loi relatif à l’encadrement de notre profession».
A ce propos, il a indiqué que d’ici la fin du mois, l’Association des barreaux des avocats du Maroc compte présenter ses observations concernant ces projets de loi et créer une commission commune dans l’objectif d’accélérer leur processus de promulgation. Il a également révélé qu’une étude a été élaborée par un bureau d’étude international concernant l’imposition des avocats et qu’elle a été présentée au ministère des Finances et à l’administration des impôts. « Ce dossier n’a pas été ouvert depuis 30 ans et nous avons aujourd’hui le courage de l’aborder mais nous appelons à un système fiscal qui prenne en compte les spécificités du métier », a-t-il affirmé. Et de conclure : «Nous avons également déposé un mémorandum concernant l’assistance judiciaire et il fait aujourd’hui l’objet d’examen par le ministère de la Justice ».
Hassan Bentaleb
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