Le président du Groupe socialiste intervenant lors de la discussion du projet de programme du gouvernement

Ci-dessous l’intervention du député Abderrahim Chahid, président du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, lors de la discussion du projet de programme du gouvernement.

“Monsieur le Président;
Monsieur le chef du gouvernement nommé;
Mesdames et messieurs, les ministres;
Mesdames et Messieurs les députés,

Après avoir écouté la présentation du chef du gouvernement avant-hier, et aujourd’hui les interventions des groupes de la majorité gouvernementale, qui a eu le temps nécessaire pour exposer sa perception et ses points de vue contrairement à l’opposition qui a

disposé d’un temps limité pour discuter des détails du projet du programme gouvernemental présenté à notre attention.
Nous considérons au sein du Groupe socialiste que c’est un signe peu rassurant et nous exprimons notre regret pour le peu de temps accordé à l’opposition à laquelle la Constitution a accordé une place forte dans l’institution parlementaire.
C’est un signe qui n’est pas rassurant en raison du contexte politique dans lequel le gouvernement a été formé, et en raison de la manière dont il a été formé. Et aussi la manière dont se sont constituées les structures de cette Chambre qui est la nôtre, où la majorité a repris les postes de direction, ce qui rend le contrôle financier et comptable centralisé entre les affiliés de la majorité gouvernementale.
Nous avons tous vu comment les élections du 8 septembre se sont déroulées dans une atmosphère positive chargée d’un sens patriotique évident, qui a laissé place à une nouvelle rotation issue des urnes, jouissant d’une légitimité électorale et constitutionnelle.
Les élections du 8 septembre ont enregistré un record de participation de plus de 50%, et cela a prouvé que le plus grand bloc d’électeurs a exprimé son désir de changer les conditions politiques, économiques et sociales dans notre pays. Il n’est pas acceptable, dans le projet de programme gouvernemental, qui devrait se consacrer à répondre aux aspirations du citoyen, que le chef du gouvernement de tous les Marocains recourt à des éléments inexacts afin de procéder à une lecture politique partiale des résultats électoraux.
Les citoyens, qui ont permis à des partis d’améliorer leurs positions, et qui ont puni d’autres partis par rapport aux élections précédentes, ont voté et fait le choix de l’option social-démocrate et du pluralisme politique.
Au lieu de capter ces messages envoyés par les citoyens le 8 septembre, nous avons été témoins, de manière inattendue, d’une exploitation indue des résultats de ce moment historique. En effet, les trois partis de la majorité ont cherché à imposer un fait accompli et à établir une sorte de domination coercitive sur toutes les institutions élues pour se soumettre par la force au compromis des instances centrales de ces partis, en totale contradiction avec la volonté de développer l’expérience du régionalisme, qui n’en est qu’à ses balbutiements.
Cela a bouleversé les espoirs des Marocains dans la nouvelle alternance qu’ils ont opérée. Et cela s’inscrit à l’encontre de la volonté d’aller vers une pratique politique pluraliste et équilibrée. Nous sommes ainsi passés du stade du « Pouvoir du Nombre » au stade de la « Domination forcée » de la vie politique par tous les moyens.
Par conséquent, si vous, Monsieur le chef du gouvernement, avez particulièrement préféré vous adresser aux groupes de la majorité, excluant les groupes d’opposition, nous nous tournons vers vous en tant que groupe d’opposition pour vous annoncer que nous refusons fermement toutes restrictions des espaces du pluralisme politique, et que nous resterons la voix authentique qui défend la différence, la diversité et le pluralisme au sein de l’institution parlementaire.
Comme Sa Majesté le Roi l’a dit à l’ouverture de cette session parlementaire, nous serons une opposition responsable et volontariste, engagée à défendre nos pleins droits et désireuse de mener à bien les missions constitutionnelles qui nous sont confiées afin de contribuer au succès de cette nouvelle étape.
Nous serons une opposition responsable, consciente et vigilante.
Responsables, à travers des initiatives et un contrôle sérieux.
Conscients que le terrain de discorde est clair: nous sommes en discorde avec la pauvreté, avec la dégradation économique et sociale, avec la pensée irrationnelle et l’imitation aveugle, avec la tyrannie de la logique financière et la perversion des politiques publiques.
Vigilants, pour défendre les acquis sociaux et affronter tous les projets de lois qui affectent négativement les droits sociaux, économiques, politiques et culturels des citoyens marocains hommes et femmes.

Monsieur le Président ;
Monsieur le Chef du Gouvernement nommé ;
Mesdames et messieurs, les ministres ;
Mesdames et Messieurs, les députés ;

Nous avons écouté votre déclaration gouvernementale et examiné attentivement votre projet de programme gouvernemental. Et tenant compte des dispositions de l’article 88 de la Constitution, nous étions convaincus que la formation et l’architecture actuelles du gouvernement, en tant que mécanisme exécutif, n’étaient pas à la hauteur des enjeux de l’aire actuelle, notamment en ce qui concerne l’activation du modèle de développement.
Après l’expérience gouvernementale précédente qui a adopté les grands pôles et le regroupement de secteurs convergents ou intégrés pour une meilleure efficacité, vous êtes revenu à la dispersion et la séparation de secteurs stratégiques homogènes les uns par rapport aux autres, ce qui peut affecter la nature de l’action publique et affaiblir la gouvernance institutionnelle. Par ailleurs, après l’expérience du gouvernement réduit et les possibilités importantes qu’il offre de coordination entre ses composantes afin d’améliorer la performance du gouvernement, il semble y avoir une tendance à abandonner ce choix et à revenir au modèle des gouvernements pléthoriques, surtout avec l’option que vous avez retenue de créer des Secrétariats d’Etat. Ajoutez à cela la surreprésentation de profils purement techniques versus la représentation de profils politiques dans la gestion des secteurs gouvernementaux, qui va se répercuter négativement sur l’encouragement des jeunes à participer à la vie politique et partisane et à s’intéresser à la chose publique.
Ce type de montage gouvernemental ne pourra pas répondre aux enjeux de la situation actuelle, notamment à la lumière du lancement des grands chantiers stratégiques liés à la mise en œuvre du nouveau modèle de développement national en tant que produit marocain commun et prometteur.
Le modèle de développement, que Sa Majesté le Roi a considéré comme un cadre général d’action ouvert, a une dimension stratégique à moyen et long termes, faisant s’étendre sa mise en œuvre à plus d’un mandat gouvernemental. Cela exige du gouvernement actuel qu’il fixe des priorités précises et claires qu’il juge essentielles au cours de son mandat à l’horizon 2026. Cependant, le projet qui nous est présenté passe d’emblée en revue les axes du modèle de développement sans adopter aucun ordonnancement et sans préciser aucune programmation temporelle claire.
En effet, Monsieur le chef du gouvernement, vous avez mis en avant des « priorités » générales telles que « renforcer les fondements de l’Etat social », « stimuler l’économie nationale au profit de l’emploi », et « consacrer la bonne gouvernance dans l’administration publique », qui sont en fait des objectifs majeurs et qui ne seront atteints que par des mesures pratiques et réalistes lesquelles ne figurent pas dans le projet de programme gouvernemental.
L’Etat social que vous mettez en avant, et dont vous n’avez pas précisé la nature et les orientations, soulève plus d’une interrogation : va-t-on renforcer les piliers de l’Etat social avec les mêmes paradigmes qui ont toujours menacé l’équilibre social du pays du fait de l’hégémonie du libéralisme et du capitalisme qui font de la logique de marché une dominante des politiques économiques ?
Au sein du Groupe socialiste, nous défendons la mise en place d’un Etat social fort, un Etat qui ne doit pas être neutre ou arbitre, et qui doit jouer un rôle catalyseur et un rôle social au profit des groupes sociaux les plus vulnérables de la société en offrant des conditions de vie décentes et une protection sociale juste et équitable.
Nous sommes avec l’Etat qui soutient l’atténuation des effets du système de mondialisation représenté par la production de plus de pauvreté et de fragilité en l’absence d’une économie nationale compétitive capable d’atteindre l’équilibre social.
Nous, en tant que socio-démocrates, sommes avec l’Etat juste et fort et avec la société moderne et solidaire, qui fournirait les conditions politiques et sociales, selon une approche volontariste, afin de suivre le rythme des transformations nationales et internationales. Ce n’est qu’avec cette approche que l’on peut conjurer les dangers d’une éventuelle négligence des aspirations de nos concitoyens et que nous pourrons instaurer un système politique et institutionnel garantissant les droits et la dignité du citoyen en consolidant les composantes de l’Etat de droit et en donnant un contenu tangible à la spécificité de la vie politique marocaine, une monarchie démocratique et sociale.
C’est le modèle dont notre pays a fait preuve à travers la relation harmonieuse qui s’est instaurée entre l’Etat et la société au moment de la crise épidémiologique : l’Etat, avec ses différentes institutions, civiles, militaires et sécuritaires, soucieux de protéger la vie et les intérêts de ses citoyens et une société qui respecte les décisions de ses institutions et fait preuve d’un sens élevé de solidarité.
La conjoncture actuelle et l’esprit du nouveau modèle de développement qui y règne, imposent de poser des ruptures avec de nombreuses politiques publiques adoptées dans le domaine social. Malheureusement, vous proposez des mesures qui s’inscrivent dans la continuité, d’une manière ou d’une autre, des étapes précédentes.
Allons-nous continuer à travailler selon la logique de l’aide sociale au lieu d’aller vers l’approbation d’un système institutionnel de justice sociale basé sur une protection sociale élargie comme annoncé par Sa Majesté le Roi ?
Vous annoncez un soutien financier direct qui ne prévoit pas de programmation temporelle claire, 400 dirhams en 2022 pour les personnes âgées en situation de fragilité, et 1.000 dirhams en 2026, et il n’y a aucune visibilité sur la mise en place progressive et régulière de la mesure.
Vous privilégiez l’approche financière dans la gestion d’enjeux sociaux multidimensionnels : politiques, institutionnels et culturels, tels que l’amazigh, les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Il vaut mieux que la gestion de ces questions fondamentales soit globale et intégrée et non simplement financière.
Vous avez pris des engagements concernant le système éducatif en matière d’investissement, d’amélioration de la qualité, d’amélioration de l’efficacité et de développement des capacités de formation, et vous n’avez pas présenté de vision de solutions appropriées à certains des problèmes qui existent encore et que les partis dans la majorité ont promis de résoudre, au premier rang desquels se trouve la problématique des instituteurs et professeurs contractuels.
Vous avez annoncé une prise en charge de la classe moyenne, mais vous n’avez pas examiné la nature des intersections entre les politiques publiques qui lui sont adressées dans divers secteurs et comment assurer la coordination entre elles.
Vous savez que le renforcement de la performance publique passe par une réforme institutionnelle sérieuse. Alors que nous notons, Monsieur le chef du gouvernement, l’importance de soustraire les droits de l’Homme et la société civile de la formation du gouvernement et de les considérer comme une affaire transversale aux différents secteurs ; nous soulignons l’importance d’accélérer la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles qui ont été suspendues pendant une décennie. Cependant, nous n’avons trouvé aucun engagement dans le projet de programme gouvernemental dans ce sens. Or il est nécessaire d’accélérer la création de la « Commission pour la parité et de lutte contre toutes les formes de discrimination » et du « Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative » et d’œuvrer au renforcement des fonctions de la Délégation ministérielle aux droits de l’Homme. Il faut aussi renouveler les politiques publiques liées au système des droits de l’Homme, et ainsi préparer un nouveau plan national pour la démocratie et les droits de l’Homme dans un esprit de partenariat et de participation de tous, et pas seulement actualiser les politiques existantes.
Le temps imparti à l’intervention du groupe socialiste ne nous permet pas de toucher à tous les domaines passés en revue par le projet de programme gouvernemental, mais nous tenons à alerter sur certains passages. Par exemple, l’existence d’un paragraphe dédié aux Marocains du monde dans lequel leur participation politique n’est pas évoquée alors même qu’elle est prévue dans la Constitution. Nous sommes également étonnés de voir un petit paragraphe sur les relations internationales dans votre projet gouvernemental, alors même que notre pays fait l’objet d’attaques délibérées de la part d’envieux et de haineux, et à un moment où le Royaume jouit d’une crédibilité et d’une confiance régionale et internationale grâce aux initiatives Royales pionnières de défense de nos intérêts supérieurs et de notre intégrité territoriale.

Monsieur le Président;
Monsieur le chef du gouvernement nommé ;
Mesdames et messieurs, les ministres ;
Mesdames et Messieurs, les députés ;

La réussite de la performance sociale dépend de l’amélioration de la mobilisation des ressources financières nationales, mais elle est aussi conditionnée par la nécessité de rationaliser les dépenses publiques et les investissements économiques directs de telle sorte que leurs résultats soient déterminants pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Le véritable décollage économique nécessite de ne pas aller trop loin dans la politique bancaire monétaire et financière, car il ravive in fine les facteurs de faillite entrepreneuriale, et donc de perte d’emplois, avec la baisse conséquente du niveau de vie des familles marocaines, et l’aggravation du déficit des caisses sociales en raison de la baisse du taux d’emploi. De plus, la transformation économique dont vous parlez ne se fera qu’en limitant la spéculation, les monopoles et les intérêts rentiers, ce qui nécessite un changement global du climat des affaires, facilitant le travail des petites et moyennes entreprises, et l’intégration progressive du secteur informel.
Le projet de programme gouvernemental a passé en revue de nombreuses mesures et mécanismes sans décliner le mode de financement. Est-ce par la réforme du système fiscal et l’amélioration des recettes ? Le financement s’inscrit-il dans le cadre du partenariat entre les secteurs public et privé ? Recourez-vous à l’endettement ?
Vous vous êtes engagé, Monsieur le chef du gouvernement, à porter le taux de croissance à 4% au cours des cinq prochaines années, et nous ne savons pas si avec cette attente vous reconnaissez tacitement l’incapacité d’atteindre le taux de croissance de 5,5% annoncé par Sa Majesté le Roi dans son discours d’ouverture de cette session parlementaire. Vous ne vous êtes pas engagé sur un rythme annuel de croissance, et vous avez préféré vous engager sur un rythme moyen pour le moins timide au regard des résultats attendus du nouveau modèle de développement et au regard de la reprise économique après la sortie de crise induite parla pandémie duCovid19.
Vous vous engagez à réaliser les choses qui ont été réalisées dans le précédent mandat gouvernemental, alors comment pouvez-vous travailler pour « accélérer la création de l’Agence nationale de gestion stratégique des contributions de l’État et suivre la performance des établissements publics et de la maîtrise d’ouvrage », qui a été créée conformément à la loi 82.20, qui a été promulguée par un décret portant son application le 26 juillet 2021.
Vous avez également considéré, au mépris total de l’importance de la nouvelle alternance, que la majorité des électeurs ont choisi de soutenir des partis politiques qui présentaient des programmes ambitieux et réalistes comportant des mesures chiffrées et précises, alors que le projet de déclaration gouvernementale n’était pas en mesure de fournir des chiffres et des procédures détaillés pour les atteindre. Dans les rares cas où vous avez fourni des chiffres, vous avez parlé de créer un million d’emplois, et au moins 250.000 emplois directs en deux ans (soit 125.000 emplois par an, soit 625.000 emplois en cinq ans). Comment faire ? Avec quels mécanismes ? Selon quel plan ? Nous ne trouvons pas de réponse.
Attention aux chiffres oniriques, car le programme gouvernemental est un contrat responsable et non un document marketing. Nous espérons que le gouvernement saura remplir ses obligations afin de préserver la paix sociale et la stabilité de notre société.

Monsieur le Président ;
Monsieur le chef du gouvernement nommé ;
Mesdames et messieurs, les ministres ;
Mesdames et Messieurs, les députés ;

Pour toutes ces considérations, nous estimons dans le Groupe socialiste que le projet de programme gouvernemental n’a pas répondu aux attentes et n’a pas été à la hauteur du moment de la nouvelle alternance, et nous pensons que votre déclaration, est :
Un énoncé, même s’il porte sur des enjeux sociaux et économiques, ne s’élève pas à la hauteur du moment historique marqué par le lancement de la mise en œuvre du modèle de développement ;
Une déclaration d’intention qui ne révèle pas les mécanismes de mise en œuvre, ni la programmation temporelle à l’intérieur du mandat quinquennal;
Une déclaration ambiguë qui parle d’innovation, mais qui parle aussi de stratégies «complémentaires» dans des domaines qui nécessitent une rupture avec la manière dont ils ont été gérés au cours de la dernière décennie.
Nous déclarons que nous pratiquerons une opposition responsable, consciente et vigilante pour préserver le pluralisme et les acquis politiques, sociaux et en matière de droits humains qui ont été réalisés dans notre pays.
A partir de notre position, nous annonçons que nous voterons contre le projet de programme gouvernemental, et nous veillerons, non seulement à accomplir nos tâches législatives comme vous l’avez indiqué, Monsieur le chef du gouvernement, mais nous veillerons aussi à mener à bien nos tâches de contrôle. Notre objectif est de faciliter les missions de votre gouvernement dans tout ce qui sert les intérêts supérieurs de notre pays car pour nous, l’intérêt général passe avant toute considération, en conformité avec notre devise «Le Maroc d’abord»”.

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