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L’Union socialiste des forces populaires (USFP) ouvre son Xème congrès le vendredi 19 mai 2017 dans la ville de Bouznika. Seul candidat à sa propre succession, le premier secrétaire du parti, Driss Lachgar, devrait logiquement être reconduit.
Votre prochain congrès s’ouvre le vendredi 19 mai 2017. À d’autres médias, vous avez déclaré qu’il allait s’agir d’un congrès fondateur. Pouvez-vous être plus explicite?
En vérité, les congrès de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) ont toujours été fondateurs. A cet égard, je vous renvoie à notre histoire. Ceci dit, le moment que nous vivons actuellement est particulier, en ce sens que la gauche traverse une crise sans précédent non seulement au Maroc mais dans plusieurs autres pays. Jamais ainsi la gauche n’a été aussi malmenée. Prenez par exemple la France, où le Parti socialiste (PS) a depuis sa fondation en 1969 toujours été au moins présent au second tour des élections présidentielles. Cette fois, en 2017, le PS n’a même pas pu dépasser le premier tour. Vous remarquerez qu’au passage, la droite classique, représentée par le parti des Républicains (LR), est également restée à quai et que c’est le candidat qui se posait au-dessus des clivages, en l’occurrence Emmanuel Macron, qui occupe désormais le palais de l’Elysée (siège de la présidence française, ndlr). Je ne sais pas s’il s’agit là d’un particularisme français mais à mon sens, cela doit inviter à la réflexion.
Quel genre de réflexion? Changer d’identité par exemple?
Je ne poserais pas la question en ces termes. À mon avis, il faut se demander plutôt si, en tant que gauche, nous devons persister dans ce que je qualifierais de dogmes, à savoir un total cloisonnement dans notre famille politique et dans nos idées, ou plutôt nousmêmes dépasser les clivages et nous ouvrir aux autres forces politiques, notamment libérales. Dans ce sens, l’USFP a besoin d’une refondation, d’un nouveau départ.
Vous donnez, à cet égard, souvent l’exemple de l’Allemagne…
Exactement. Le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) gouverne depuis 2013 l’Allemagne aux côtés de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) sans que personne n’y trouve à redire. Pourquoi le Maroc devrait-il faire exception?
Votre volonté d’ouverture, c’est la raison pour laquelle vous siégez aujourd’hui au gouvernement à côté du Parti de la justice et du développement (PJD), dont le référentiel islamiste conservateur est pourtant aux antipodes du projet de société que vous défendez?
Absolument, à ceci près que participer au gouvernement du PJD ne revient pour autant pas à adhérer à son projet. Il y a lieu de rappeler que le programme du gouvernement s’inscrit dans le cadre de la déclaration adoptée par le parlement le 25 avril 2017 et où, à ma connaissance, il n’est nullement fait mention de mesures “islamistes”, comme vous dites. Mais plus globalement, nous estimons prendre part au chantier de réforme en cours depuis l’intronisation de Mohammed VI. Vous savez, nous avons des décennies durant, depuis notre fondation en 1959, été en confrontation avec le pouvoir, au point où nous y avons laissé des plumes. Il se trouve qu’actuellement, ce même pouvoir porte le projet de société moderniste pour lequel nous nous étions battus. Ce n’était pas le moment de reculer; il fallait au contraire aller de l’avant.
J’entends que vous participez à un gouvernement non du PJD, mais de Mohammed VI…
Je ne vous le fais pas dire. C’est un gouvernement du Roi dirigé certes par le PJD. Mais d’abord un gouvernement du Roi.
Vous présidez la chambre des représentants en la personne de Habib El Malki. En même temps, l’impression est que vous êtes en perte de vitesse. Souscrivez-vous à ce constat?
Je ne peux nier que nous n’avons cessé d’essuyer les coups durs depuis notre participation au gouvernement d’alternance de Abderrahamane Youssoufi (1998-2002, ndlr). C’est le sort de tous les partis qui à un moment ou un autre ont été associés au pouvoir. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui pourtant avait joué un rôle clé dans la transition démocratique en Espagne au début du règne de Juan Carlos, avait été écarté après quatorze ans au pouvoir, malgré ses nombreuses réalisations.
On a l’impression que vous regrettez la participation de l’USFP au gouvernement d’alternance…
Au contraire. D’ailleurs, les personnes qui ont vécu l’époque doivent se rappeler qu’en tant que coordinateur de la majorité et président du groupe parlementaire de l’USFP à la chambre des représentants, j’ai toujours défendu notre participation au gouvernement de M. Youssoufi. Notre erreur, je pense, a plutôt été de nous maintenir au gouvernement au lendemain des élections législatives de 2007, après deux mandats au pouvoir.
Vous aviez pourtant participé en tant que ministre au gouvernement de Abbas El Fassi, qui avait fait suite auxdites élections…
J’assume ma part de responsabilité. Je n’ai pas de scrupule à le faire. Nous aurions dû, à mon sens, nous y prendre autrement.
Comment se fait-il que vous soyez le seul candidat à votre succession?
Moi-même j’en suis surpris. Notre direction a pourtant tout fait pour que d’autres candidats se présentent. Aux potentiels candidats, nous avons même proposé toute l’aide nécessaire, au point que je n’aurais été, en tant que premier secrétaire, aucunement favorisé. Peutêtre que les Ittihadis souhaitent maintenir leur confiance en nous.
Ce n’est pas ce que disent vos opposants. Abdelkébir Tabih, qui est membre du bureau politique, vous a accusé dans une conférence de presse donnée le 4 mars 2017 dans la capitale, Rabat, de vous être arrogé le parti.
L’USFP ne serait pas l’USFP sans que des voix discordantes ne viennent s’exprimer. Je trouve même qu’il s’agit d’un phénomène sain, en ce sens qu’il renforce la démocratie interne dont les pères fondateurs de l’USFP ont dès le premier congrès fait un choix inaliénable. Ceci dit, certains griefs qu’on me fait me semblent, ma foi, injustes et hors de propos.
Comme quoi par exemple?
On me reproche notamment de proposer -même pas de désigner- le tiers des membres du bureau politique. C’est, paraît-il, un moyen pour moi de passer l’USFP sous ma coupe. J’ai sincèrement cherché à savoir ce que faisaient d’autres partis socialistes de par le monde; eh bien, figurez-vous que le premier secrétaire du PS français et le secrétaire général du PSOE en Espagne, une fois élus, désignent tous les membres du bureau politique, en passant par le porte-parole. Ces partis sont-ils moins démocratiques que nous? En tout cas, je vais vous révéler un scoop: pour notre prochain congrès, je vais laisser le soin aux Ittihadis de choisir la totalité des membres du bureau politique, sans que je n’intervienne d’aucune façon. Je prendrai part à l’élection comme n’importe quel congressiste.
Redoutez-vous d’éventuelles scissions?
L’USFP a dès l’origine été en proie aux scissions. C’est dans son ADN. Mais ce que je peux vous dire c’est que tous les scissionnistes se sont plus tard rendu compte qu’ils s’étaient leurrés. Aucun parti né d’une scission n’a jusqu’ici fait long feu.
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