Le Groupe socialiste interpelle le chef du gouvernement sur les priorités du secteur agricole

Le Plan Maroc Vert (PMV) a été au cœur des discussions, mardi à la Chambre des conseillers, lors de la séance hebdomadaire des questions orales. Le Groupe socialiste à la deuxième Chambre a notamment interpellé le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, sur ce sujet, estimant que les priorités du secteur agricole marocain doivent être réorganisées et adaptées aux  nouveaux développements provoqués par la gestion post-pandémique et qui constituent une véritable occasion pour évaluer les choix du passé, notamment ceux liés au PMV.

La dégradation des ressources naturelles et son impact considérable sur l’agriculture du pays

Le président du Groupe socialiste à la Chambre des conseillers, Youssef Aidi, a, dans ce sens, souligné l’importance de reconnaître que «l’excès de la consommation d’eau souterraine n’est plus une option envisageable compte tenu de la rareté des précipitations». «Les politiques publiques doivent être corrigées et une attention particulière devrait être portée aux cultures qui nécessitent des pluies saisonnières : comme les céréales, les légumineuses et l’élevage basé sur le fourrage et les pâturages naturels», a-t-il fait savoir, avant de mettre la lumière sur la nécessité de revoir les subventions accordées aux projets d’investissement dans ce domaine qui ont atteint, dans certains cas, 100%. Youssef Aidi a également indiqué que l’intérêt grandissant pour les cultures irriguées a provoqué la baisse du niveau de la nappe phréatique et l’émergence de réelles difficultés pour répondre aux besoins en eau de plusieurs régions.

Pour l’économiste marocain Najib Akesbi, il s’agit d’un oubli de taille. «On a du mal à comprendre l’absence de la préservation des ressources naturelles, parmi les six fondements initialement arrêtés pour soutenir le PMV», explique-t-il. Selon lui, ceci est inconcevable. «Surtout quand on sait que toutes les recherches et toutes les études, marocaines et étrangères, s’accordent sans mal et depuis longtemps sur l’ampleur de la dégradation des ressources naturelles au Maroc et les contraintes accablantes que cela impose à l’agriculture du pays», précise l’économiste.

Le député ittihadi Youssef Aidi n’a, par ailleurs, pas manqué de souligner la priorité d’affronter les défis du secteur agricole et de la sécurité alimentaire et en faire un levier de développement rural. Il a, dans ce sens, mis en avant l’utilité de  «passer le secteur à la loupe avec toutes ses chaînes de production pour comprendre et diagnostiquer la situation actuelle qui est devenue une menace sérieuse pour l’avenir des jeunes et des investisseurs dans le monde rural». «Et ce afin d’éviter la reproduction des lacunes constatées dans le Plan Maroc Vert», a martelé Youssef Aidi  qui a également appelé le gouvernement à intervenir d’urgence afin de protéger les habitants du monde rural et la classe moyenne, compte tenu de la hausse significative des prix. «Ce gouvernement n’est pas un observatoire pour étudier les indicateurs», a-t-il scandé. Et d’ajouter : «Il ne suffit pas de dire que les prix élevés sont corollaires de la hausse des prix dans les pays d’origine. Le gouvernement est tenu de trouver des solutions et protéger le pouvoir d’achat de l’agriculteur. Il doit absolument assumer sa responsabilité à cet égard».

Le conseiller usfpéiste a également précisé qu’en dépit des avantages et des privilèges dont a bénéficié le secteur agricole, il n’en demeure pas moins que les petits paysans se heurtent toujours à de nombreux problèmes qui constituent de grands obstacles les empêchant d’aspirer à un lendemain meilleur.

Dans son programme électoral pour les échéances du 8 septembre dernier, l’USFP a été on ne peut plus clair à propos de ce sujet et s’était notamment demandé : «Comment peut-on bâtir une stratégie de développement agricole sans se préoccuper de son «milieu», de ses «fondements naturels» que sont les sols, l’eau, les parcours, les forêts, le tout sous changements climatiques redoutables ?». «Le fait est que l’impératif de préservation des ressources naturelles ne figurait au niveau ni des fondements, ni des objectifs ni des programmes d’action du PMV dans ses premières versions (2008-2009). Certes, de telles lacunes ont rapidement été identifiées et déplorées. Elles ont fini par être plus ou moins rattrapées, en tout cas formellement», lit-on dans ledit programme électoral qui souligne également que «la phase de l’opérationnalisation du PMV s’est caractérisée par une gouvernance inefficace».

Une gouvernance déficiente

Qui dit gouvernance inefficace, dit responsables assimilant mal les dossiers qu’ils doivent gérer. Selon Najib Akesbi, «quand un nouveau gouvernement s’est installé au début de l’automne 2007, le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, apparaissait comme étant d’abord un homme d’affaires venu du secteur des hydrocarbures sans connaissances ni expérience particulière du domaine relevant de son département ministériel et pas davantage de celui de l’enseignement et de la recherche».

Celui qui est également enseignant-chercheur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II explique qu’étant «un homme d’action rompu aux méthodes des grands «patrons de l’industrie», il va se hâter, sans appel d’offres, de commander au cabinet d’études international McKinsey l’élaboration de la nouvelle stratégie».

Les enjeux d’autosuffisance alimentaire, de durabilité, de création de valeur pour les habitants du monde rural, nous obligent aujourd’hui à revoir notre stratégie pour faire de l’agriculture un véritable moteur de la croissance nationale, de la préservation des territoires et leurs ressources et de la redistribution des richesses

«Celle-ci devait impérativement être présentée au Roi au cours du Salon international de l’agriculture de Meknès dont la tenue était programmée pour le mois d’avril 2008, de sorte que le bureau d’études avait moins de cinq mois pour l’exécution de la commande ministérielle», ajoute Najib Akesbi. Et de poursuivre : «Celle-ci sera «livrée» à temps puisque la nouvelle stratégie fut effectivement présentée officiellement le 22 avril 2008 sous le nom de «Plan Maroc Vert» (PMV). Elle entrera en vigueur aussitôt, sans avoir jamais été discutée ni par le Conseil de gouvernement, ni par le Parlement, ni par de quelconques instances de dialogue ou de concertation, et encore moins dans la société civile et l’opinion publique…». «Ainsi, sur le registre de la «bonne gouvernance», on était instruits !», lance-t-il. «Cette stratégie «offshore», livrée sous forme de simples fichiers PowerPoint, trop souvent truffés d’étonnantes erreurs, de confusions et d’incohérences, repose de surcroît sur certaines allégations d’une extraordinaire légèreté que leurs auteurs n’hésitent pourtant pas à exploiter pour énoncer des conclusions pour le moins hasardeuses et surtout «légitimer» les choix et les solutions préconisées», avance l’économiste marocain.

Nécessité d’impliquer tous les acteurs

Lors de son intervention à la Chambre des représentants, le président du Groupe socialiste a, par ailleurs, souligné la nécessité d’impliquer tous les acteurs, professionnels et agriculteurs dans l’élaboration des programmes de développement pour en tirer un modèle participatif basé sur un diagnostic réaliste et s’appuyant sur les conclusions du Nouveau modèle de développement. «Il est important d’aller sur le terrain et d’être à l’écoute des catégories concernées par le développement, afin d’élaborer un programme approprié et de mettre en œuvre un projet de réforme conforme aux exigences du secteur qui prend en compte toutes les variables possibles», a-t-il insisté.

L’économiste marocain Najib Akesbi insiste, lui aussi, sur la nécessité d’impliquer tous les acteurs dans l’élaboration de n’importe quel programme de développement agricole. «On peut noter au niveau des actions transversales un oubli tout à fait significatif, symbolique de l’état d’esprit et des préoccupations des concepteurs du PMV», dit-il. «En effet, dans les premières versions du PMV, chacun aura rapidement remarqué que ces multiples actions à caractère horizontal avaient purement et simplement fait l’impasse sur l’enseignement et la recherche», regrette-t-il. Et de préciser : «Comme si les innombrables recommandations des nombreux colloques et Journées d’études sur la recherche agricole tenues au cours des deux précédentes décennies n’avaient jamais existé…». «Pourtant, comment imaginer réussir une stratégie qui se veut aussi globale et ambitieuse sans être en permanence soutenue par une politique de recherche et de formation des ressources humaines appropriée et conséquente ?», s’est-il interrogé.

Un rôle primordial de l’agriculture et de la ruralité

D’autre part, si les capacités agricoles du Maroc restent sous exploitées et un effort important d’intégration des chaînes de valeurs à l’agro-industrie reste à faire, plusieurs enjeux économiques et contraintes entravent toujours la place de choix assignée au secteur par les différentes politiques agricoles déployées par le Maroc, depuis son Indépendance. Ces contraintes sont, selon le programme électoral de l’USFP, relative notamment au traitement inadapté de la problématique foncière entravant l’essor de l’investissement agricole. La même source fait également état d’une gestion de la ressource hydrique insuffisamment rationalisée et d’une mauvaise gouvernance (inefficacité des interventions publiques avec une faiblesse institutionnelle à l’échelle territoriale, faiblesse en termes de partenariat public-privé et d’organisation professionnelle, centralisation accrue au détriment de la territorialisation de l’action publique…) couplée à une faible organisation de certaines filières.
L’USFP estime, par ailleurs, que le Maroc d’aujourd’hui doit reconnaître le rôle primordial de l’agriculture et de la ruralité. «Les enjeux d’autosuffisance alimentaire, de durabilité, de création de valeur pour les habitants du monde rural, nous obligent aujourd’hui à revoir notre stratégie pour faire de l’agriculture un véritable moteur de la croissance nationale, de la préservation des territoires et leurs ressources et de la redistribution des richesses», précise-t-on dans le dernier programme électoral du parti qui juge indispensable l’évaluation de nos stratégies agricoles et leur adaptation en tenant compte de nombreuses orientations stratégiques. Le parti des Forces populaires estime qu’il faut notamment «assurer plus d’équité territoriale et sociale en développant le monde rural, assurer une gestion durable et raisonnable des ressources naturelles, s’approcher de l’autosuffisance dans les filières à forte consommation nationale, tout en renforçant l’innovation et en améliorant l’intégration entre secteurs agricole et industriel, sans oublier de mettre en place une gouvernance efficace».

Mehdi Ouassat

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