Après Nizar Baraka (Istiqlal), Aziz Akhannouch (RNI) et Saadeddine El Othmani (PJD), JA donne la parole au patron de l’Union socialiste des forces populaires à la veille des élections générales du 8 septembre.
À l’approche des législatives du 8 septembre, le premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachgar, appelle à une alternance sociale-démocrate que seul son parti, assure-t-il, peut incarner. Le leader de gauche se veut optimiste : l’USFP, qu’il dirige depuis 2012, sera, il en est sûr, sur le podium.
Une ambition qui peut paraître démesurée quand on sait que la formation de gauche est arrivée cinquième aux dernières élections législatives de 2016, avec seulement 20 sièges à la Chambre des représentants. Un objectif présomptueux ? Le premier secrétaire de l’USFP s’en défend, insistant sur la nécessité de tourner la page après deux mandatures du Parti de la justice et du développement (PJD).
Le parti de la rose a-t-il les moyens de ses ambitions ? Parviendra-t-il à réitérer l’expérience d’alternance qui avait vu son leader historique, Abderrahmane Youssoufi, prendre la tête du gouvernement entre 1998 et 2002 ? Interview.
Jeune Afrique : Pour les élections du 8 septembre, l’USFP appelle à une alternance sociale-démocrate. Pourquoi cette alternance est-elle nécessaire ?
Driss Lachguar : Nous appelons à une alternance sociale-démocrate parce que nous venons de passer une décennie sous l’emprise d’une mouvance conservatrice, voire rétrograde, qui a fait perdre au Maroc un temps précieux dans sa marche vers le développement et la construction d’un État de droit.
Notre conviction est que notre pays a besoin d’un État fort et juste, ainsi que d’une société moderne et solidaire. Or la méthode, les idées et la position du gouvernement des deux dernières mandatures sont allées à l’encontre de cet objectif.
La crise mondiale induite par la pandémie de Covid-19, avec ses retombées sociales et économiques, a démontré l’urgence de mettre fin aux disparités sociales et territoriales. Elle a également permis de faire émerger un consensus autour de la nécessité de renforcer le rôle de l’État, aussi bien pour soutenir la relance économique que pour protéger les plus vulnérables.
Cette crise a aussi mis en lumière les limites des mécanismes caritatifs ou des mesures de sauvetage, tout en révélant au grand jour la nécessité de structurer et de généraliser l’aide sociale de façon à permettre aux citoyens de vivre dignement et sereinement.
L’USFP a-t-elle les moyens d’incarner cette alternance, alors qu’elle n’est arrivée que cinquième au scrutin législatif de 2016, avec 20 sièges seulement au Parlement ?
L’USFP est le seul parti de l’échiquier politique marocain à avoir constamment défendu les valeurs sociales-démocrates, aussi bien en termes de solidarité sociale qu’en matière d’équité fiscale, ou encore de droits et libertés individuels et collectifs.
Depuis sa création, notre mouvement a fait de la défense de la classe moyenne et de la lutte contre l’exclusion ses priorités. Rappelons à cet égard que la construction d’un État de droit avec des citoyens libres passe par l’élargissement de la classe moyenne, qui, au regard de son niveau d’éducation et de revenus, est un contributeur clé au développement du pays sur les plans économique et social, mais également en termes de stabilité et de sécurité.
Non seulement nous avons, toujours et sans faillir, défendu ces principes, mais nous les avons mis en application lorsque nous étions aux affaires. Le gouvernement Youssoufi [1998-2002] a ainsi été à l’origine des mesures renforçant le pouvoir d’achat, de la mise en place de filets sociaux et de la création de l’Assurance maladie obligatoire [AMO].
S’il y a un parti politique au Maroc qui incarne cette alternance sociale-démocrate, c’est bien l’USFP. Pour ce qui est de notre situation dans les instances sortantes, je tiens à rappeler qu’avant 2007 nous étions en tête, alors que le PJD était 5e ou 6e. Ensuite, en 2011, cet ordre s’est inversé. C’est l’essence même de l’alternance démocratique.
Quelles sont les chances de l’USFP à ce scrutin ?
Aujourd’hui, nous sommes confiants. D’abord parce qu’un nombre grandissant de citoyens adhèrent à notre socle idéologique et comprennent l’importance de la solidarité sociale, de l’État de droit, de l’État acteur et non seulement observateur.
Par ailleurs, la société marocaine a encore évolué, notamment la jeunesse, qui aspire à davantage de liberté et de prise d’initiative. Ce qui est de nature à nous rassurer quant à nos chances aux prochaines élections.
En outre, nous abordons ce scrutin en position de force sur le plan organisationnel interne. En effet, durant les cinq dernières années, les militantes et militants USFP ont fourni des efforts colossaux pour s’ouvrir sur les forces vives du pays, intégrer des jeunes, des cadres, des hommes et des femmes porteurs des mêmes valeurs que nous.
D’ailleurs, cet effort a abouti à une meilleure couverture des candidatures – près de 13 000 (un nombre record pour notre parti) –, avec des résultats honorables lors des élections des chambres professionnelles.
D’aucuns soutiennent que l’USFP pourrait payer le prix de sa participation au gouvernement aux côtés du PJD…
Au Maroc, nous n’avons connu que des coalitions gouvernementales : nous sommes un pays qui prône le multipartisme et le pluralisme. C’est une force de notre système politique, contrairement à ce que certains peuvent penser.
Pour ce qui est de la relation entre l’USFP et le PJD, le fossé idéologique qui sépare les deux partis demeure. Quand nous avons choisi d’intégrer le gouvernement El Othmani, nous l’avons fait avec cinq autres partis, sur la base d’un Pacte gouvernemental.
Malheureusement, le chef du gouvernement [Saadeddine El Othmani] a eu tellement de mal à gérer ses propres troupes que cela a fini par affecter le fonctionnement du gouvernement et de la majorité. Plusieurs volets du pacte gouvernemental n’ont pas été respectés, ce qui fait que nous ne sommes pas disposés à reproduire cette expérience.
Visitors comments ( 0 )