Mon livre est un travail de mémoire que j’estime essentiel pour les nouvelles générations

Libé: Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ? 

Abdelouahed Radi : Ce livre est le fruit de deux ans de travail.  Je l’ai écrit pour plusieurs raisons. D’abord, je veux m’adresser, à travers ces mémoires, aux jeunes pour qu’ils puissent se faire une idée sur l’histoire contemporaine du Maroc. En fait, on ne peut pas comprendre ce qui se passe aujourd’hui sans avoir une idée de notre passé et sans cela on ne peut pas envisager l’avenir. Mon livre est donc un travail de mémoire que je considère comme essentiel pour les nouvelles générations.
Ensuite, j’ai espéré, par cette expérience, réconcilier, de nouveau, les jeunes avec la politique en évoquant l’exemple de certains hommes qui ont exercé la politique avec noblesse  comme ce fut le cas avec la génération de Mohammed V, Allal El Fassi, Mohamed Belhassan El Ouazzani ou avec celle de  Mehdi Ben Barka et Abderrahim Bouabid ou encore avec celle de Mohammed VI et d’Abderrahmane El Youssoufi.
Aujourd’hui, on observe une désaffection politique chez les Marocains et une dévalorisation de la politique qui constitue un vrai danger pour notre pays. En fait, nos concitoyens ont tendance à oublier que la politique est essentielle dans le fonctionnement d’un pays, dans son orientation et que c’est elle qui permet aux citoyens de décider de leur sort. La politique doit être une priorité puisque c’est elle qui garantit et protège l’exercice démocratique. L’indifférence politique prépare plutôt le terrain devant les régimes dictatoriaux  et l’absolutisme.
Enfin, je veux laisser aux Marocains un document qui retrace une partie de notre histoire. Un exercice qui ne semble pas avoir été pratiqué par les premières générations d’hommes politiques et d’hommes d’Etat qui sont partis sans rien écrire sur la période où ils vécurent. En d’autres termes, j’ai essayé  de participer à l’enrichissement de la bibliothèque nationale en pareils documents.
A-t-il été facile pour un homme d’Etat et un politicien comme vous, de travailler sur ses mémoires ?   
J’ai eu la chance de vivre une longue vie politique. J’ai vécu la période du Protectorat, celle de l’indépendance et les années de plomb. J’ai été également un témoin direct des années de la transition politique et l’arrivée de Mohammed VI au pouvoir. Cependant, tout au long de ces années, je n’ai jamais pris de notes et je n’ai jamais eu un journal personnel. Les seules fois où j’ai écrit, ce fut durant les événements importants ou après mes rencontres avec de grandes personnalités. Mais, ma mémoire est toujours bonne et elle ne m’a pas trahi. Je n’ai pas trouvé de problèmes à me souvenir de  tous les événements que j’ai vécus directement et de ceux dont j’ai été partie prenante de près ou de loin.
…Mais est-ce que vous avez tout dit ? 
Absolument pas. Mes responsabilités d’homme d’Etat et d’homme politique ne me permettent pas de tout dévoiler et plusieurs choses ont été passées sous silence. Je suis soumis au devoir de réserve. Il s’agit surtout de secrets d’Etat et d’informations qui peuvent porter atteinte à certaines personnes. Et mon livre, je ne l’ai pas écrit pour faire des révélations fracassantes ou livrer des scoops.
Quels sont les événements qui vous ont marqué ? 
Chaque époque a son importance et ses moments de bonheur ou de douleur. Mais certaines périodes m’ont marqué à jamais. Je me souviens encore avec souffrance de mes premières années d’enfance lorsque j’avais perdu mon père et ma mère et les difficultés que j’ai rencontrées après leurs décès. Les années d’études ont été également très difficiles à supporter. Le kidnapping et la mort de Mehdi Ben Barka m’ont beaucoup touché.
Mais, il n’y a pas que ces moments douloureux, il y a également des périodes heureuses où j’ai ressenti un grand bonheur comme ce fut le cas lors de l’Indépendance du Maroc et le retour de Mohammed V.
Quels enseignements avez-vous tirés de votre vie politique et personnelle ?
S’il y a une chose que j’ai retenue  tout au long de ma vie, c’est  que  la volonté, la patience et la capacité à consentir des sacrifices peuvent nous mener loin. L’être humain doit rester toujours optimiste. Moi, j’ai perdu ma mère à l’âge de 4 ans et mon père à l’âge de 9 ans,  j’ai grandi comme orphelin à la campagne, mais j’ai défié tous mes handicaps car j’avais cette envie acharnée d’étudier. Il n’est pas question d’être riche pour avoir toutes les conditions pour réussir. Il faut seulement de la volonté et ne pas avoir peur.
Avez-vous lu les biographies d’autres politiciens et qu’en pensez-vous ?
Sincèrement, je n’ai pas lu tous les mémoires des hommes politiques marocains mais certains livres que j’ai pu consulter ne correspondent pas à la réalité historique dont j’ai été témoin. Je cite l’exemple des livres qui évoquent les pourparlers franco-marocains d’Aix-les-Bains. Plusieurs d’entre eux sont à l’opposé de ce que j’ai vécu et de ce que je connais. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai  consacré tout un chapitre de ce livre à cette période.
Je crois que ce genre de livres prépare le terrain devant les historiens et c’est à ces derniers de  démêler le vrai du faux  en faisant appel aux archives. Moi, je ne suis pas un historien. Je raconte les événements tels que je les ai vécus et selon un point de vue purement personnel. Cela n’a rien d’objectif mais l’objectivité est la mission des historiens.

http://www.libe.ma/Le-Maroc-tel-que-vecu-par-Radi-Abdelouahed-Radi%C2%A0-Mon-livre-est-un-travail-de-memoire-que-j-estime-essentiel-pour-les_a83847.html

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