L’Economiste du 5 mai 2017.
Les résultats des dernières consultations électorales montrent l’affaissement continu de la gauche marocaine en général et de l’USFP en particulier. Aussi, il est urgent et vital de réagir en donnant un sens et un contenu à l’action politique avec comme objectif principal de regagner une crédibilité perdue auprès des classes moyennes et populaires.
A ce titre, l’USFP doit avoir comme ambition de redevenir l’incarnation de la modernité et du progrès dans notre pays. Le 10e Congrès, qui aura lieu les 19-20 mai prochains, doit justement être l’occasion pour notre famille politique de mettre en place un certain nombre de ruptures. Pour ce faire, il y a, à mon sens, une mue idéologique à effectuer sur le plan de l’identité et des idées notamment. Nous devons en effet être capables de définir une nouvelle ligne économique qui rompe avec le socialisme théorique et utopique d’hier et proposer une vision d’avenir basée sur un nouveau type de social-démocratie qui prend en considération les mutations profondes de notre société et du contexte mondial.
Nouvelle stratégie de croissance inclusive
A ce titre, la définition du rôle de l’Etat dans l’économie s’impose plus que jamais. Celui-ci doit devenir un Etat stratège, régulateur et protecteur en proposant de nouvelles formes de protection sociale eu égard à l’évolution du marché du travail. Il doit lutter efficacement contre toute forme de rente, de clientélisme et de corruption en mettant notamment en place un climat des affaires qui soit lisible, transparent et attractif pour tout investisseur, qu’il soit local ou étranger.
L’USFP doit également s’approprier de manière forte des thématiques telles que la réforme fiscale, l’économie numérique, l’économie collaborative ou encore le développement durable. Tout ceci doit se décliner dans le cadre d’une nouvelle stratégie de croissance inclusive qui doit permettre au Maroc d’entrer dans le concert des pays émergents (objectif d’atteindre 7% de croissance annuellement et la création de 200.000 emplois par an).
Sur le plan politique également, nous devons nous affirmer davantage et être particulièrement innovants et audacieux en ce qui concerne les équilibres des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la gouvernance, la lutte contre la corruption, etc. Sur le plan social et culturel, la défense d’un modèle de société qui soit basé sur l’ouverture d’esprit, la tolérance, la pluri-culturalité et la sécularité doit guider notre combat pour la modernité, l’équité et la justice sociale. Nous devons militer pour une société inclusive et solidaire qui donne sa place et ses chances à chacun, quels que soient son statut, son âge, son sexe, sa religion ou son origine sociale.
Une société où le citoyen est émancipé de toute forme de tutelle, une société qui soit basée sur le respect de l’Etat de droit et sur le mérite. En clair, une société où toute forme de passe-droits et d’abus de pouvoir est punie avec la plus grande intransigeance. C’est la condition pour que le contrat social entre l’Etat et les citoyens revive de nouveau et que la confiance soit restaurée. En outre, la redéfinition du champ religieux, à travers la défense et la promotion de la laïcité doit également s’inscrire comme un objectif essentiel à notre refonte idéologique. La place des jeunes et des femmes dans la société en fait également partie.
«Révolution» organisationnelle
Sur le plan organisationnel ensuite, une rupture doit également se faire en interne en permettant à une nouvelle génération d’accéder aux responsabilités, à travers l’ouverture à de nouvelles compétences issues des différentes couches et catégories sociales de la population, issues de différents corps professionnels.
A ce titre, il faudrait, à mon sens, une «révolution» organisationnelle, avec comme enjeu la transformation progressive de l’USFP à travers l’élargissement de sa base sociale en permettant l’intégration de nouvelles couches de la société. Ainsi, il me paraît pertinent, aujourd’hui dans le cadre du prochain Congrès notamment, d’officialiser les courants, à travers l’adoption du système des motions, à l’instar de ce qui se fait dans la plupart des formations politiques de gauche dans le monde occidental.
Cette officialisation des courants pourrait consolider et rendre irréversible le choix de démocratisation interne du parti qui, malgré une certaine volonté, peine à se mettre en place. Cette démocratisation interne serait un gage d’attractivité du parti prélude à son renforcement sur le terrain à travers sa capacité à «capter» les profils les plus intéressants.
Se positionner en tant que mouvement progressiste
S’agissant du positionnement politique de l’USFP de demain, celui-ci doit à mon sens dépasser le cadre devenu réducteur du socialisme et se positionner de manière plus globale en tant que mouvement progressiste. Cela passe par une modernisation en profondeur des structures de direction notamment dont l’accès doit se baser sur le mérite et la compétence essentiellement.
La procédure de sélection/élection des membres du parti devra se faire sur des critères liés au mérite, à l’engagement et à la compétence et pas seulement à l’ancienneté comme ce fût le cas par le passé. Un «shadow cabinet» sur le modèle de ce qui se fait dans certaines démocraties européennes doit également s’institutionnaliser de manière à préparer le parti à gérer les affaires publiques le cas échéant sur la base d’une approche poste/compétence.
A ce titre, une véritable stratégie de formation des cadres du parti doit être mise en place de même que l’utilisation des NTIC et des nouvelles techniques de communication doit également participer de cette transformation du parti et accompagner la dynamique de changement. Un changement de nom du parti qui soit plus représentatif de la réalité d’aujourd’hui peut également être envisagé, à mon sens.
Quels enjeux?
L’enjeu de tout ceci, à mes yeux, est la nécessité urgente de ressusciter le rêve d’une société de gauche à travers un nouveau projet de société qui soit basé sur des valeurs phares telles que la modernité, le progrès, l’équité homme-femme, la solidarité. Ce projet de société doit être accompagné d’un discours neuf et courageux et surtout porté par de nouvelles figures politiques. Pour y parvenir, l’idée phare que je souhaite défendre pour les prochaines années est la nécessité absolue de rassembler l’ensemble de la famille de la gauche (ceux qui le souhaitent du moins), condition de base afin que notre projet de société puisse triompher dans les dix prochaines années. Néanmoins, il y a un certain nombre de blocages qui relèvent davantage de la psyché des acteurs que de véritables divergences idéologiques et qui doivent être dépassés dans l’intérêt général. Pour ce faire, une nouvelle génération, qui n’est pas comptable du bilan de ses prédécesseurs, doit apparaître et assumer ses responsabilités sur le plan politique. L’avenir, j’en suis certain, est du côté des forces de progrès si tant est qu’elles parviennent à dépasser leurs divergences, fédérer et rassembler autour d’un projet commun, et surtout renouer avec le terrain comme elles le firent par le passé. Ce qui fit justement la force de cette gauche qui a tant compté dans notre pays, est cette politique de proximité systématique qu’elle a su incarner durant au moins trois décennies et que lui a entièrement confisquée le PJD.
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