Voici la traduction intégrale du discours prononcé par le Premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachguar, lors de l’ouverture des travaux du Xème Congrès national :

“Mesdames et Messieurs, honorables invités:
Notre dixième Congrès se tient dans une conjoncture mondiale, régionale et nationale empreinte de changements et de défis.
C’est l’ère du changement accéléré et du questionnement complexe, l’ère du renouveau, l’ère de l’innovation et de l’initiative et l’ère du recul des certitudes et de l’accroissement des variables.
Nous sommes aujourd’hui des témoins d’une ère émergente dont les éléments de référence ou les références nouvelles sont élaborées par les générations actuelles et montantes.
Les optimistes nous avisent de la survenue d’un monde marqué par davantage de justice, de parité, de protection de la nature et favorable à la science et où la connaissance prendra la place du capital traditionnel.
Les sceptiques font part de l’ébranlement des acquis fondés sur les valeurs humanistes et de solidarité. Ils avisent également de la prolifération des zones de conflits au sein des sociétés et entre les cultures et les civilisations. Conflits entre les particularismes croissants, les identités fragmentaires, et les centres instigateurs et orienteurs de stéréotypes : stéréotype du marché globalisé, stéréotype de la mondialisation envahissante.
Entre les deux, une grande partie de la population vit au rythme de la quête de son pain quotidien, de la satisfaction de ses besoins essentiels en termes d’habitat salubre, d’accès à l’eau et de services de santé de base à même de réduire la mortalité infantile et celle des femmes enceintes, la marginalisation des personnes à besoins spécifiques ; des services permettant l’accès au système éducatif, l’arrêt du processus de marginalisation économique et d’élargissement du fossé numérique. Aujourd’hui, la moitié de la population du monde, soit près de 3 milliards d’habitants, vit avec moins de deux dollars par jour et environ un milliard d’habitants sont analphabètes.
Ces troubles ne doivent nullement déboucher sur un quelconque renoncement. Aujourd’hui, nous devons faire partie de ceux qui luttent contre la marginalisation, accompagnent le développement, prennent leur part de responsabilité en matière de modernisation et de changement afin de continuer à faire partie intégrante d’un contingent chargé d’une noble mission. Celle de l’élévation des valeurs de solidarité, de justice sociale, de tolérance, briser les obstacles qui entravent l’avènement d’un monde veillant  à la protection de l’environnement qui constitue une propriété collective, un monde équitable envers les pays émergents, notamment ceux du continent africain.
C’est une grande responsabilité qui nous incombe, nous les progressistes dans le monde arabo-musulman en vue de juguler le cycle de la violence, de l’extrémisme et du terrorisme, d’assurer la paix et la stabilité pour permettre à nos frères du Moyen-Orient et du monde musulman de ne plus avoir une vie où l’asile, l’émigration et l’abandon sont les seules issues.
Mesdames et Messieurs, honorables invités
Depuis notre dernier Congrès, notre pays a vécu des événements et des étapes importants, suivis par ce qu’on a communément appelé « Printemps arabe ». Des évènements dont les répercussions continuent d’être ressenties, laissant ainsi un pan entier du monde arabe souffrir de la destruction, des conflits et des violences entre des factions fanatiques ou oubliant que la dévastation est aisée et la construction difficile alors que la reconstruction l’est beaucoup plus.
Si l’intervention étrangère a joué un grand rôle dans ce qui s’est passé et ce qui se passe, nous devons aussi prendre en considération les facteurs endogènes qui ont conduit les régimes politiques et les modèles sociétaux à l’état de précarité ayant facilité les plans de destruction et de scission.
Nous devons être conscients de l’importance des acquis réalisés par la société marocaine à travers la dynamique de changement qui a accompagné le mouvement populaire de 2011. Il en a résulté l’élaboration d’un système institutionnel constitutionnel et politique, ce qui a permis de dépasser la phase de turbulence en toute quiétude.
Je salue la maturité de la jeunesse marocaine et son sens de responsabilité  qui ont marqué son comportement et son action. D’autant plus que l’étape ayant pris fin a permis à tout le monde d’évaluer l’importance du changement politique intervenu et contraint les acteurs politiques à ne pas céder à la facilité et à la simplification quant à la satisfaction des attentes de la jeunesse et des forces vives. L’étape que nous traversons, dans ses différents aspects, force tout le monde à faire preuve de vigilance en saisissant la nature des souffrances et des espoirs des citoyens en contrecarrant les dangers de l’abandon des aspirations à un système politique et à une institution qui préserve la dignité et les droits du citoyen à travers la consolidation des fondements de l’Etat de droit et l’attribution d’un contenu concret à la spécificité du système politique marocain en tant que Monarchie démocratique et sociale.
La démocratie se construit sur une plateforme institutionnelle qui garantit la participation politique effective des citoyens.
Toutefois, le caractère social nécessite un mode politique qui vise la justice, l’égalité des chances entre les mondes urbain et rural, entre les deux genres, entre les actifs et les chômeurs, entre les salariés et les retraités. Une politique qui lutte contre les différentes formes de marginalisation, surtout celle qui touche les personnes à besoins spécifiques, les enfants abandonnés et les veuves.
La nouvelle Constitution ne se résume pas à la liste des chapitres et des clauses juridiques qui définissent le cadre légal organisant l’Etat et régissant ses relations avec la société, mais c’est un cadre qui ne peut avoir de sens ni d’objectif sans être appliqué concrètement en vue de lutter contre la corruption électorale et d’assurer une concurrence loyale et transparente. Ses objectifs résident dans la pratique efficiente de la justice qui sauvegarde le droit des justiciables, le rôle de la défense et considère la liberté comme point nodal.
De même que ses objectifs résident dans la mobilisation des compétences, ainsi que des moyens financiers, intellectuels et des ressources humaines pour un système éducatif pour tous, moderne et harmonieux avec les exigences du développement.
Ses objectifs résident dans l’élargissement du domaine de la répartition des pouvoirs entre les services centraux de l’Etat et les espaces territoriaux décentralisés.
Ils résident également dans une pratique qui garantit la diversité culturelle et linguistique composant  l’identité nationale de tous ces domaines et autres afin de constituer une plateforme à même d’élever la Constitution du pays à la hauteur des aspirations des Marocains.
Dans cet ordre d’idées, nous devons reconnaître que si le champ de la réforme est encore vaste, sa cadence ne saurait rester l’otage du temps, car les attentes croissantes ne peuvent être ajournées.

Mesdames et Messieurs, honorables invités :
A l’instar de plusieurs mouvements progressistes à travers le monde, l’USFP fait l’objet d’interpellations de la part des Marocains de tous bords sur nombre de questions dont certaines sont  d’actualité et d’autres à caractère stratégique.
Nous avons œuvré dans le cadre d’un effort collectif à simplifier les sujets et les problématiques posés que vous avez débattus tout au long des mois précédents lors de plusieurs rencontres au niveau de la Commission nationale préparatoire et des réunions régionales. Je saisis cette occasion pour saluer le travail sérieux que vous avez effectué et qui prouve par là même que les préparatifs du Congrès se sont caractérisés par des discussions ouvertes sur la société, du fait que le document d’orientation mis en ligne dans les réseaux sociaux a trouvé un accueil favorable en termes de commentaire ou de contribution.
Aujourd’hui, nous pouvons être fiers des efforts consentis en vue de faire réussir cette étape.
Les sujets développés dans le rapport d’orientation  ne sont pas des thèses prêtes à l’emploi. Certains sujets sont choisis pour apporter un éclairage ou une analyse sur notre situation actuelle, alors que d’autres à caractère théorique peuvent  être considérés comme une contribution pour enrichir le système de la démocratie socialiste. D’autres sujets non sans importance confirment les spécificités de l’identité nationale, la souveraineté marocaine et l’intégrité territoriale.
Vous avez traité, lors des différentes réunions, de problèmes majeurs entre autres ceux de la cohésion sociale, des alliances et de la coordination politique, ainsi que de la participation au gouvernement.  Dans ce cadre, vous étiez unanimes à souligner que la base de toute alliance reste la nature des projets qui ne font pas partie des consensus entre les organes du parti. Je partage votre questionnement quant aux réponses à apporter aux attentes des Marocains.
Ce qui importe le plus aujourd’hui, c’est d’œuvrer au développement économique et social. Pour ce faire, notre position au sein de la majorité est fondée sur le respect absolu de la distinction entre action et inertie, entre modernité et tradition et enfin entre innovation et suivisme.
Notre vision du rôle de l’Etat résulte de nos principes socialistes.  Nous ne voulons pas  d’un Etat «gendarme»  qui permet à la dynamique sociale et à l’économie de marché de conditionner le destin du pays.
En tant que socialistes et démocrates,  nous nous sommes opposés à toute idée de démantèlement  de l’Etat et nous croyons  à un Etat qui a un rôle incitatif et social  en faveur des couches les plus  démunies leur garantissant des conditions de vie digne et une protection sociale juste et équitable.
Nous sommes  en faveur de l’Etat  qui œuvre à réduire les effets de la mondialisation qui  génère davantage de pauvreté et de précarité, en l’absence  de la compétitivité de l’économie nationale  susceptible d’assurer l’équilibre escompté.   A cet égard, notre pays connaît  de grands chantiers de réformes qui permettent de restructurer et d’améliorer l’économie nationale et où l’Etat est appelé à la soutenir avec des moyens à même de lui garantir la capacité d’être compétitive, et ce à travers  la mise en place des infrastructures nécessaires, des incitations fiscales aux entreprises marocaines et  l’adoption d’une politique  intégrée de développement humain.  L’USFP ne peut qu’adhérer non seulement, par principe, à ces grands chantiers,  mais aussi au niveau de sa contribution au sein de la Chambre des représentants et du gouvernement, en présentant des politiques publiques à même d’exploiter à bon escient ces chantiers pour réaliser le saut qualitatif qui doit  accélérer  la dynamique du développement global. Cela explique, en grande partie, la position de notre parti  concernant sa volonté de participer à la gestion de la chose publique via le gouvernement actuel, puisque  nous avons considéré nécessaire d’être au cœur des réformes globales et non d’être à la marge.
Il est vrai que la distance s’avère importante entre les grandes ambitions et la modicité des ressources, mais de cette tribune, nous déclarons que le gouvernement se doit d’être plus ambitieux et plus audacieux à même d’investir d’autres domaines inaccessibles à ce jour,  je voudrais signifier par là que notre pays est appelé à élargir le champ de l’initiative et se libérer des préoccupations purement  comptables et financières imposées  à un pays  en voie de développement tel que le nôtre et qui entravent sa politique publique pour des considérations budgétaires devenues un handicap devant l’extension de son action.
Nous n’ignorons pas que si le taux de croissance reste à 3 ou 4%, cela  ne peut  mettre fin à la précarité sociale qui se traduit par le chômage et le recul du pouvoir d’achat des masses populaires.
La politique suivie par l’ancien gouvernement a affecté le niveau de vie des classes moyennes et entraîné de larges couches sociales dans les affres de la précarité.
Peut-on concevoir une autre politique ? Nous répondons par l’affirmative. Mais tout dépend de l’aptitude à récupérer l’initiative nationale au niveau de la gestion financière et économique. Le Maroc se doit d’élaborer un mode de développement  qui ne parie pas seulement sur des facteurs exogènes et de mondialisation, mais il est appelé à adopter un mode de développement  qui donne l’élan nécessaire aux forces de production nationale et renforce le pouvoir d’achat afin de développer le marché intérieur. Un mode qui offre de nouvelles opportunités  aux petites et moyennes entreprises d’accéder aux sources de financement. A cet égard, le gouvernement, et particulièrement  la Direction du Trésor, devrait se concentrer sur l’étude de la politique du crédit et des changes et d’innover dans le domaine des outils de financement.
Nous tirons la sonnette d’alarme, car s’obstiner à suivre la même politique financière et monétaire peut induire davantage de facteurs de sinistralité des entreprises, et donc la perte d’emplois, une baisse conséquente du niveau de vie des familles marocaines et l’aggravation du déficit des Caisses de prévoyance sociale à cause de la baisse du taux d’emploi.

Mesdames et Messieurs, honorables invités
Notre Xème Congrès se tient dans un contexte marqué par des défis internationaux, régionaux et nationaux, avec en premier lieu la protection du droit du peuple palestinien à instaurer un Etat indépendant avec Al Qods comme capitale. Nous devons donc réitérer notre solidarité pleine et entière avec les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Nous appelons également les gouvernements, les Parlements et les instances internationales à entreprendre des actions urgentes pour permettre au peuple palestinien, exposé aux pires formes d’occupation et de colonisation que l’humanité ait connues, de recouvrer pleinement ses droits.
Nous estimons également que la série de vandalismes subis par des pays et des peuples arabes, suite à l’ingérence extérieure et au fait d’attiser l’esprit sectaire et d’encourager le terrorisme, doit cesser et que les élites politiques et intellectuelles doivent assumer leur responsabilité quant à trouver des  solutions politiques et agir pour la protection de l’unité de leur pays, leur stabilité et leur sécurité.
Nous ne pouvons omettre notre solidarité avec toutes les minorités musulmanes persécutées et nous appelons la communauté internationale à les protéger.
Le monde est appelé à s’intéresser à la situation des peuples africains qui souffrent de marginalisation et d’absence de droits fondamentaux pour pouvoir vivre dans la dignité. A cet égard, nous exprimons notre fierté pour les efforts déployés par Sa Majesté le Roi en faveur du développement économique et humain de notre continent. Et nous avons la certitude que le retour du Maroc à l’Union africaine n’est pas seulement un come-back politique, mais il renforcera également le pouvoir de négociation de notre continent à travers la création de projets Sud-Sud ou tripartites.
Les manœuvres et les calculs étriqués sont aujourd’hui vides de sens ; ils ne visent pas la construction, mais la division, alors que notre continent et notre espace maghrébin doivent surmonter la discorde et les tensions. N’est-il pas temps pour nous tous d’inaugurer une nouvelle marche commune qui unifie les volontés, fédère les ressources et crée pour les générations à venir les conditions de l’intégration économique et de la maîtrise des outils du
savoir ?
Il est de notre intérêt, à tous, d’éduquer nos enfants à la fraternité pour le bien-être de nos sociétés et le développement de nos économies. De cette tribune, j’appelle nos frères algériens à abandonner leur propension à encourager le séparatisme et l’incompréhension entre les peuples. Notre espace maghrébin est blessé et déchiré. Mais ce qui servira ses intérêts, c’est la réconciliation en Libye,  la consolidation de l’Etat démocratique en Tunisie et l’intégration économique maghrébine, de Nouakchott à Tripoli et Benghazi en passant par Rabat et Alger. Notre espace est interdépendant et aucune personne saine d’esprit ne peut accepter le fait de continuer à souffler sur les braises de la désunion.
Nous tenons à réaffirmer que l’Union socialiste des forces populaires n’a jamais changé sa position concernant le conflit artificiel autour du Sahara marocain malgré les coups douloureux que nous avons reçus au cours des années de plomb. L’USFP a bâti ses positions sur des convictions basées sur l’interaction positive avec toute solution politique dans le cadre de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire.
En ce sens, nous adhérons pleinement à l’initiative d’autonomie comme base de négociations, tant que cette initiative incarne la volonté de la communauté internationale à faire adopter une solution politique … et rien d’autre.
À cet égard, l’Union socialiste des forces populaires renouvelle son appel à nos frères algériens pour libérer les séquestrés de Tindouf et leur permettre de rejoindre leurs frères et familles afin de travailler ensemble en vue de mettre en place les bases de l’autonomie qui leur permettra de contribuer à la réalisation du modèle de développement des provinces du Sud.

Mesdames et Messieurs, honorables invités
Ce Congrès ne sera pas un moment éphémère mais il est le premier épisode d’une série de tâches du processus de renouvellement et de modernisation qui nous attend. Il s’agit d’une main tendue à toutes les bonnes volontés et aux énergies créatrices (intellectuels, écrivains, artistes, entrepreneurs,  syndicalistes, juristes et travailleurs sociaux), en vue de jeter les ponts avec le Maroc de demain, le Maroc de l’initiative et de l’innovation, le Maroc moderne dans ses institutions et ses orientations politiques et ancré dans son identité riche par la diversité de ses sources et la multiplicité de ses aspects.
La vérité est que l’USFP fait partie de la gauche et des forces progressistes, modernistes et démocratiques. Le parti croit en toutes les valeurs universelles communes aux forces socialistes à travers le monde et incarnées par la liberté, l’égalité, la justice sociale, l’égalité des chances, l’équité et la solidarité.
Toutefois, cette filiation ne peut nullement entraver la liberté de notre parti d’établir des alliances appropriées au moment opportun. Sur cette base, nos alliances devraient se caractériser par le réalisme et le dynamisme nécessaires à l’accomplissement de notre projet socialiste démocratique, et ce en adéquation avec la conjoncture politique actuelle.
Frappons à la porte de l’avenir,
Nous ne parviendrons pas à gérer l’espace public en regardant derrière nous, mais nous devons renforcer notre orientation progressiste grâce à des initiatives qui regroupent les énergies créatrices”.
Vive l’Union socialiste des forces populaires
Vive le Maroc, un Etat démocratique et une société ouverte sur son époque».

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